Ken Loach offre avec Land and Freedom un de ses meilleurs films. En s'attaquant à la guerre d'Espagne, notre réalisateur social de service s'attaque ici à un sujet très peu représenté dans l'histoire du cinéma. Cette guerre relativement méconnue du grand public est ici filmée par un Ken Loach au sommet de son style réaliste, comme il le fera plus tard avec l'excellent The wind that shakes the barley en Irlande. Le conflit nous est présenté à travers les yeux de David Carr, un Liverpoolien qui s'engage dans cette guerre en tant que membre du parti communiste d'Angleterre. Il se retrouve presque par hasard dans les milices du POUM (parti ouvrier d'unification marxiste) aux côtés de combattants et combattantes originaires de nombreux pays d'Europe. Il y découvre la diversité de cultures et d'opinions politiques chez ses camarades de tranchées.
C'est en effet sous un autre angle que la guerre est représentée, non pas le patriotisme bas de tableau à l'américaine, mais les luttes sociales : républicains contre nationalistes, communistes, marxistes, anarchistes contre fascistes, militaires et autre nationalistes. Autrement dit, la guerre d'Espagne est une double guerre civile pour les républicains. Ceux-ci affrontent non seulement la droite mais surtout eux-mêmes, comme en témoignent les guerres de pouvoirs entre les différents sous-groupes. Ici, Ken Loach cible les communistes staliniens, véritables traîtres de la révolution cherchant plus à purger et contrôler le camp républicain qu'à combattre l'ennemi fasciste.
Par le choix de cet (autre) drôle de guerre, le film casse les codes du genre. Dans ce conflit, il n'y a point d'uniforme, peu ou pas de hiérarchie militaire, on peut admirer le soleil et les beaux paysages espagnols. On y retrouve également des représentants de différentes cultures, des jeunes femmes et de jeunes loups qui finissent par s'aimer entre deux combats. Même si tout cela peut ressembler de loin à un échange Erasmus, la réalité en est bien loin. La puissance dramatique produit un effet coup de poing et certains passages sont glaçants. Les spécialistes d'Histoire le savent, la guerre civile ne s'est pas très bien terminée pour les républicains.
Bref, le film demeure une grande réussite. La mise en scène naturaliste suspend avec succès l'incrédulité du spectateur. Ses personnages attachants et leurs dialogues passionnés tiennent en haleine du début à la fin. Ken Loach réalise ainsi un bel hommage à ces combattants européens volontaires, qui ont perdu leur vie parce qu'ils étaient prêts à tout pour un monde meilleur. Revoir ce film en 2022 à l'heure du recul permanent des idées de la gauche et du retour en force des idées nationalistes est d'autant plus triste. Il est aujourd'hui bien loin le temps de ces combattants idéalistes et l'on assiste un peu à la fin de leur monde.