Wim Wenders est enfin de retour. Après des années de vache maigre, revient à ses premières amours, errance, solitude et choc des perceptions. Un retour aux sources sans doute galvanisé par le spectacle éprouvant des dérives idéologiques de l'après onze septembre ou comment le pays le plus puissant de la planète, soudain conscient d'être aussi vulnérable qu'un autre, se mit à se chercher des ennemis de partout, mais si possible vivant au Proche-Orient et adepte du Coran. Retour également au minimalisme pour Wenders qui, caméra DV en main, s'attarde sur le quotidien des déshérités de Los Angeles. En ressort une profonde impression de désolation décuplée par la solitude des deux principaux protagonistes. Côté casting, John Diehl est impeccable dans le rôle de Paul. Le voir parler tout seul à longueur de journée terré dans sa camionnette donne souvent l'impression d'être peu à peu enfermé avec lui dans sa propre folie. D'autant plus que l'alchimie fonctionne plutôt bien avec Michelle Williams. A noter également de jolis seconds rôles comme Richard Edson, le trop rare sur grand écran Wendell Pierce et même Burt Young qui se fait plutôt discret ces dernières années. Terre d'abondance, Land of plenty voit Wim Wenders nous proposer une nouvelle fois sa vision de l'Amérique. Une Amérique de tous les possibles où le plus important n'est pas tant de réaliser son rêve que d'en avoir un. Une Amérique où il ne fait pas bon avancer seul. Aux antipodes l'un de l'autre, Lana et Paul vont pourtant entreprendre ensemble le même périple mortuaire à la mi-film, ce dernier basculant alors dans un road-movie façon Alice dans les villes, néanmoins entaché de quelques relens didactiques. Une fois encore, Wenders prouve un talent incomparable lorsqu'il s'agit de filmer l'Amérique, la vraie, une Amérique où se confondent couleur et culture. Une Amérique qui peine pourtant aujourd'hui à faire encore rêver.