L'âne, miroir de la misère
L'âne de Magdana de Tengiz Abuladze est contemporain de Bim le petit âne d'Albert Lamorisse (Crin Blanc, Le Ballon rouge) et ce n'est pas la seule similitude qui réunit les deux films: une histoire d'âne dont des enfants s'occupent, des gentils pauvres et des méchants riches. Au delà du scénario les deux œuvres partagent une photographie et une musique exemplaires.
La principale différence tient dans le message sous-jacent. Jacques Prévert, l'auteur du scénario du film français, qui est un athée convaincu, ne fait pas du tout intervenir le sacré dans son histoire. Abuladze, lui, a ses petites idées sur la religion dans la société et ce sont elles qui vont lui faire faire les images les plus fortes du film: la montée de l'interminable escalier en colimaçon avec les pots de lait caillé, le ciel qui se déchire au moment où l'histoire tourne, le procès dans l'église avec le baisement du crucifix. Autant de jalons qui montrent chaque fois que les pauvres seront rejetés et que les riches ne laisseront rien passer.
L'histoire peut se résumer à trois épisodes: le malheur, le bonheur, le drame. Mais dès le générique, le spectateur comprend avec la musique que l'histoire sera d'une tristesse sans nom. La fin tragique est encore accentuée par les moments de félicité précédemment partagés par les protagonistes, l'âne fleuri, les jeux des enfants. Le spectateur va jusqu'à croire que la vie de Magdana et de ses enfants changera grâce à Lurdja (l'âne), que tous ensemble ils sortiront de la misère. Mais la brutalité et l'obscurantisme feront pièce au lyrisme de ces instants.
Si L'âne de Magdana est bien aussi un film pour les enfants, il raconte, contrairement à Bim, la vie avec pessimisme.
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