Lara Jenkins fête aujourd’hui ces 60 ans. Une journée singulière. Lara n’a qu’une obsession, son fils. Ce soir, Viktor, pianiste de renom, jouera sa première composition. Et ne lui dites pas que son garçon était fou. Car pour quelles raisons étranges, ça la dérange. Obsédée par l’excellence, la recherche du génie, Lara a fait l’éducation musicale de son fils. Une maîtresse tyrannique, inflexible, transposant son ambition démesurée sur sa progéniture.
Lara est seule. Mais la seule solitude qu’elle ne supporte pas, c’est l’absence de son fils. Il n’y a que pour sa musique qu’elle était patriote. Pas de réponses, claquemuré chez sa grand-mère depuis des mois, Lara est sans nouvelles de lui. Elle qui ne vit qu’à travers son fils, elle se refuse à tout amitié, tout contact qui puisse même apparaître amical. L’objectif est, à l’instar de Lara, myope à toute beauté extérieure, il ne s’attarde pas sur ses détails. Le luxe tape-à-l’œil des déambulations de Lara sur le Kudamm’ y est préféré. Elle est passagère et étrangère, déconnectée, en plein automne de sa vie.
Elle se dit que son garçon ne valait rien. Elle se dit, qu’elle aussi, ne valait rien. Et une chose obsède Viktor, le jugement de sa mère. Un commentaire de sa mère avant le concert suffit à instaurer le doute au jeune prodige. Lara semble comme admirative et dérangée de la réussite de son fils. Les gens qui tiennent à leurs rêves, ça la dérange. Car elle fut victime de son professeur de piano lorsqu'elle était jeune ; elle n'avait pas résisté à la pression. Elle n'y avait pas vu que, de manière sadique, ce dernier avait voulu la tester.
Portrait d’une femme qui n’a pas cru en elle mais qui a en revanche cru à un déterminisme forcené, Lara Jenkins propose une vision de la famille dérangeante et grinçante. Tout en sobriété et en sarcasme, Jan Ole Gerster conte l’histoire d’un ange déchu. Lara a cru bon de devoir tenir un rôle d’apparat qui n’était pas le sien toutes ces années durant. Son fils lui permet, enfin, de comprendre qu’elle a fait parti de ses trouillards à genoux pendant que lui se tenait debout sur ses deux pieds, vous comprenez.