LaRoy, prononcez "Le Rau-ye", est ancré dans l'Amérique profonde, celle des cow-boys de pacotille, des détectives ratés, des reines de beauté un peu défraichies, qui trompent leur mari pour se vendre au plus offrant. Dans cette ville perdue du Texas, Ray, - le cocu de l'histoire donc- un gars simple est confondu avec un tueur à gages et se retrouve embarqué malgré lui dans une affaire de meurtre (hypothétique) et dans un dilemme moral, l'argent est pour lui le seul moyen de garder une femme face à laquelle il nourrit un sentiment d'infériorité.
Certes, nous sommes en terrain connu, un bled perdu, des enseignes d'échoppes désertées battues par le vent, des personnages atypiques (voire un peu "limités") au regard fixe et vide débitant des banalités, des situations ubuesques ; nous sommes dans un désormais classique du polar teinté d'humour noir, à la manière de...
Selon le point de vue LaRoy, c'est "Fargo" revisité, un hommage à "Sang pour sang" ou même à "Paris Texa"s, mais c'est aussi, un peu un tout cela en moins bien, les frères Coen qu'on assassine ( à moins qu'ils ne l'aient déjà fait eux-mêmes).
Le scepticisme est donc de mise dès les premières scènes pourtant savoureuses, qui rejouent pour l'une l'inversion des rôles et des fausses apparences avec Dylan Baker (savant "mélange de Billy Bob Thornton et de Steve Buscemi) dans le rôle du tueur froid, ou pour l'autre le mythe du looser qui se prend pour un autre , situations emblématiques de Joël et Ethan Co.
Mais, quelques soupirs et raclements de gorge plus loin, le scepticisme fait peu à peu place à une certaine curiosité (l'enchainement des scènes et situations est d'une belle cohérence), à de la bienveillance puis à ce que l'on peut appeler un petit emballement, devant un récit qui nous entraine habilement dans sa spirale incertaine. L'intrigue est riche, les rebondissements nombreux, les personnages (particulièrement Ray et Skip le cow-boy détective) attachants, la femme (qui ne se sépare jamais de sa couronne de miss), le beau-frère en crétins cyniques et le tueur sont convaincants,
tous entrainés dans une mécanique inéluctable de l'échec, jouets d'un destin contraire qui échappe à leur contrôle
"LaRoy" est une bonne surprise, un premier long métrage tout à fait maitrisé et Shane Atkinson (le réalisateur) , même s'il emprunte beaucoup aux thématiques et à l'esthétique des auteurs de Fargo, adopte un ton qui n'est pas sans rappeler un autre Shane (Black) par ses extravagances impromptues et l'hommage aux films noirs des années 1940, lorsqu'il se défait du sarcasme pour aller sonder plus en profondeur la psychologie de ses personnages. Un cinéaste à suivre