Oh-Oh-Ooohhh Santo Ricooo
Les Lascars réussit brillamment, là où de nombreux autres se sont plantés, à transposer des mini-pastilles de deux minutes en long-métrage d'une heure trente.
Le secret? Assumer le matériau original d'une part, c'est certain, mais aussi adopter une forme chorale pour la narration, qui a le double avantage de permettre un enchaînement des gags pour chaque personnage tout en proposant un fil conducteur au sein du scénario. En l'occurrence, comment des jeunes glandeurs de banlieue vont rater des vacances de rêve à Santo Rico avant de tous se retrouver dans une mega-fiesta dans la baraque du juge Santiépi.
Evidemment, comme dans la série originale, le ton est très caricatural et les clichés sont légion, mais il n'y a pas de parti pris pour autant, puisque à l'instar d'un film des frères Coen tout le monde ou presque y est idiot ou stupide. Entre Tony Merguez, petite frappe adepte des plans foireux, Zoran la grosse brute cherchant l'amour sur des sites de rencontre, ou même les flics se trémoussant sur la Danse des Poulets au bal de la police, ou encore le juge Santiépi utilisant le système judiciaire pour remettre sa maison à neuf pour pas un sou, tout le monde en prend pour son grade. Le film se voulant humoristique avant tout, le ton n'est pas négatif ou moralisateur.
L'interprétation vocale est de qualité et souligne idéalement l'hyper-expressivité des personnages. Les auteurs possèdent un style à mi-chemin entre le street-art et le manga, ce qui leur permet d'insuffler beaucoup de dynamisme aux personnages et leurs mimiques. Ceux-ci sont d'ailleurs très bien introduits et mis en scène, de sorte que leur caractère est facilement identifiable et les rend rapidement très amusants et attachants.
Les décors ne sont pas en reste non plus, et même si le style graphique général est sujet à caution (c'est très typé, on aime ou on n'aime pas, personnellement j'adore), la palette des couleurs utilisée permet de mettre beaucoup de vie dans cette banlieue pas morose, étrangement proche d'une certaine ville de Seine Saint-Denis. Bien qu'elle passe au second plan face aux personnages, cette ville est une franche réussite car elle est l'archétype parfait de la cité banlieusarde déprimée et déprimante où l'on passe les étés les plus ennuyants de sa jeunesse. Même si celle-ci n'est pas spécialement mise en avant, elle demeure tout de même la place centrale au milieu de laquelle gravitent tous les personnages, l'élément primordial à la réussite de tout bon film choral qui se respecte.
Les Lascars n'est pas parfait pour autant et n'échappe pas aux défauts récurrents du genre, notamment certains arcs scénaristiques sous-exploités au profit d'autres moins intéressants (même si ce point précis le film s'en sort tout de même honorablement), et de même vu la thématique abordée il ne risque pas de plaire à tout le monde. Mais qu'importe, pour ma part je prend toujours un grand plaisir à le revoir, en m'amusant des loses de Tony et Casimir, de Manuella la fliquette psychopathe et légèrement nymphomane, ou du duo de branleurs Sammy et Narbé, le tout en bombant le torse, les basses, et en hochant de la tête sur du hip-hop de qualité (c'est-à-dire français mais pas vraiment français, plutôt d'inspiration américaine).
C'est la preuve que des petits créatifs peuvent bichonner leur petite idée jusqu'à ce qu'elle murisse en gros film, attachant et inventif, loin des impératifs économiques des séries à audience (coucou Caméra Café). Monsieur Astier, pour votre film Kaamelott, c'est le modèle à suivre.