Un film rétro qui nous fait voyager dans le Swinging London des années 60 on ne peut que le savourer ! Edgar Wright revient pour la première fois depuis son intéressant mais décrié "Baby Driver" de 2017 avec une proposition encore plus ambitieuse dénommée : "Last Night in Soho".
Eloise, une jeune fille passionnée par la mode, est acceptée dans une prestigieuse école londonienne pour y faire ses études. Marquée par le décès de sa mère alors qu'elle n'avait que 7 ans, elle décide de marcher sur ses traces en quittant sa campagne pour réaliser ses rêves. Et alors qu'elle parvient à rentrer dans une sorte de monde parallèle des années 60, son voyage au départ idyllique va très vite laisser les faux-semblants de côté pour s'attacher à un ensemble de crimes et de mystères lugubres.
La première chose à noter dans ce film, ce sont les intéressantes fausses pistes proposées par le scénario pour ne pas comprendre immédiatement d'où vient la menace. Dans le même temps, de petits indices cachés par ci par là (et dont on se souvient d'ailleurs lors du twist final) auraient pu nous indiquer la voie, mais nous ne souhaitons pas y croire immédiatement ou bien ils nous passent sous le nez.
Ensuite, les costumes et décors sont remarquables. Le travail de forme est bien présent et l'équipe du film n'y est pas allée de main morte. Les prestations de chacun des acteurs sont également marquantes, tout spécialement pour Anya-Taylor Joy qui brille une nouvelle fois de par sa grâce en chanteuse a capella de "Downtown" ou encore en danseuse de twist ou de "mashed potatoes". Une belle carrière l'attend, ce n'est que le début !
Attention Spoilers ! Au-delà de toute cette mise en scène et de cette ambiance sixties mélangée à un véritable théâtre d'horreur, l'intrigue propose évidemment un message assez répandu depuis ces dernières années mais qui reste cependant engagé et atypique.
Tout au long de l'histoire, Eloise est une sorte de proie parfaite pour compatir et s'identifier à tout ce qui est arrivé à Alexandra Collins (Sandie). Elle aussi a vécu le trauma de perdre très jeune ses deux parents (l'un décédé, l'autre volatilisé). En vivant de façon omnisciente l'idylle de la jeune Sandie et son basculement progressif dans un Londres beaucoup plus sinistre et sans pitié envers les jeunes femmes, elle va finir par en saisir les enjeux et définir le véritable coupable : la société. L'expérience de Sandie n'est qu'un reflet de ce qu'Ellie vit à Soho. Edgar Wright utilise le miroir pour justement créer une passerelle entre les survivants du passé et les acteurs du présent, une sorte d'assistance morale mutuelle et perpétuelle.
Suite au twist, la situation change totalement et devient pour le moins ambivalente et complexe puisque Alexandra (Sandie) deviendrait presque l'anti-héros meurtrière tandis que les hommes assassinés deviendraient ses victimes. Ce retournement nous convaincrait que "Last Night in Soho" prend le contre-pied de la plupart des films post Me-Too en suggérant que le désir de vengeance de la femme n'apportera aucune justice, encore moins de guérison. Seulement des remords. Mais alors les crimes de ces hommes doivent-ils rester impunis ? Que fait-on d'une justice impartiale ? C'est comme si le film ne voyait que la vengeance par la violence pour ces femmes meurtries comme solution.
Si la violence envers les femmes est évidemment le sujet central du film et qu'on reconnait que celle-ci n'a vraisemblablement pas réduit en 60 ans, la vision globale des scénaristes est quant à elle un peu plus floue et il est difficile de définir à 100% ce que l'histoire souhaite véhiculer de par son twist. La culpabilité des différents partis est remise en cause et cela parait pour le moins étrange. Peut-être que l'objectif majeur était seulement d'appuyer sur le fait qu'une vengeance facile n'est jamais la solution. Ne pas foncer tête baissée, agir avec recul sur la situation de façon magnanime. Je ne sais pas.
Hormis ces quelques visions énigmatiques, le film est absolument à voir, et tout âge confondu !