C'est l'histoire d'Eloïse, qui n'est clairement pas née à la bonne époque. Fan des sixties, elle est confrontée aux vulgaires années 2010 dès qu'elle quitte sa campagne pour Londres. Mais c'est aussi l'histoire de Sandie, 50 ans plus tôt, débordante d'ambition et de talent. Et c'est enfin l'histoire de Londres, cette ville aux milles visages, qui est ici un personnage à part entière. Tout ceci se mêle, se lie et se délie dans une forme narrative originale qui évite l'écueil du flashback, et nous emmène plutôt vers une sorte de voyage dans le temps. On passe d'une époque à l'autre avec une fluidité folle, grâce à la mise en scène, à un jeu de miroir ingénieux, et une bande musicale envoutante.
Il est vendu comme un film d'horreur, moi je partirai + sur le thriller psychologique, mais effectivement les thèmes abordés tutoient souvent l'épouvante. On débute sur un conte de fée qui vire lentement mais sans retour possible vers un cauchemar où les prédateurs ne laissent pas la possibilité de respirer aux héroïnes et aux spectateurs.
On est en plein boum #metoo quand le film est écrit, et ça se sent. Il est vecteur d'un message fort, mais qui n'est pas aussi démago qu'on le pense. Il soulève des questions intéressantes, sur la vengeance notamment, et que faire en absence de justice, mais aussi sur la légitimité à devenir soi-même un monstre quand on est confronté tous les soirs à des monstres. Il aborde aussi très largement la maladie mentale, mais joue avec nos perceptions en nous plaçant de force du point de vue d'Eloïse, nous faisant douter de la folie de cette héroïne, là où il n'y aurait pas de doute si la caméra nous laissait prendre du recul. On doit donc se poser la question, parle t'on d'une maladie mentale ou d'un super-pouvoir ? Et en définitive, pourquoi est-ce que ça ne serait pas les deux ?
C'est un film aux influences très variés qui plaira à beaucoup de gens, il génère simultanément rire, horreur et beauté. Il est sensoriel, visuel, et transcendant. Le mal est présenté dans sa forme la plus pure et a décidé de bouffer le bien, de l'envelopper suffisamment pour ne lui laisser aucun répit, comme la feuille enveloppe la pierre.
Je n'ai pas adoré, parce que je suis pas rentrée dedans autant que j'aurai voulu. Je regrette peut-être une mise en scène un peu trop appuyée sur la préparation des révélations, qui m'a permis d'y voir clair un peu trop tôt. Mais j'ai quand même passé un moment dingue, où je m'émerveille à chaque plan de la beauté de ce qui est filmé, des trouvailles du réalisateur et de sa co-scénariste, de la virtuosité de la caméra, et de la musique qui marque une époque que comme l'héroïne, je n'ai pas connu.