Voir deux films de Paul Verhoeven à la suite permet à coup sûr de définir rapidement les contours (Rabelais écrirait la "substantifique moelle") de son cinéma. Revoir en effet la veille le sulfureux "Basic Instinct" , puis découvrir en écho le lendemain, le méconnu mais néanmoins estimable "Last scene" conduit à établir quelques parallèles loin d'être anodins, et, pour certains dont je fais partie, se convaincre un peu plus encore que le génie du hollandais violent est plus dans l'insignifiant (ses films les moins connus) que dans l'évident ( ses "blockbusters" américains, que je trouve beaucoup moins aboutis).
Donc, oui, puisque "le court métrage" est finalement tout aussi riche et créatif que le célèbre long, aussi sulfureux également et peut-être aussi bien réalisé.
Réalisé dans le cadre de la série anthologique "Le voyageur" "Last scene" est une sorte de série B, déclinant les codes du thriller horrifique. Reprenant la thématique du vrai/faux tueur en série venu terroriser les acteurs (et surtout l'actrice) d'un film au tournage chaotique le métrage navigue habilement entre les références à Blow out de De Palma, à Fenêtre sur Cour Hitchcock lorsque la caméra avance en direction de "la menace" et plus encore à Halloween.
C'est en effet du chef d'œuvre de Carpenter que "Last scene" se rapproche le plus. Dans les moments de suspense, la musique fait penser à celle de Big John, tandis que le tueur au couteau, masqué, rappelle évidemment Mike Myers, et que, comble de l'ironie le personnage du vieux monsieur présente une forte ressemblance avec le Carpenter âgé d'aujourd'hui. Mais notre cher Paul, n'a pas uniquement construit un film hommage, il a également conçu une œuvre de référence, à la fois pour un certain genre horrifique (Scream empruntera sa thématique à cet épisode) et pour la suite de sa filmographie, puisque ses thèmes de prédilection déjà esquissés dans les films de sa période néerlandaise sont repris ici et seront développés dans les opus suivants.
En premier lieu "Last scene" confirme le penchant de Verhoeven pour une esthétique sensuelle, à la limite de l'érotisme. Les femmes sont de blondes et belles créatures souvent dénudées : c'est ici, la jolie LaGena Hart qui donne à voir tous ses atouts dès la scène d'ouverture, succédant ainsi à la lascive Monique van de Ven des films précédents et préfigurant donc la scène d'ouverture de Basic Instinct avec Sharon Stone. Cette "sensualisation", confine parfois au morbide, lorsque les scènes charnelles sont accompagnées d'actes violents comme c'est encore une fois le cas dans les deux métrages.
Enfin, et là n'est pas la moindre qualité de cet objet méconnu, le cinéaste malgré un budget restreint et un temps de tournage limité réussit à imposer un style de réalisation innovant, une belle maîtrise du récit, tout en conservant une distance et un humour bienvenus, qui permettent à cette "dernière scène" d'être bien plus qu'un vulgaire film de commande.