Laurence Anyways par Heavenly
Certains films ont une aura si particulière qu'ils vous hantent longtemps après les avoir vus. Laurence Anyways, le 3e (très) long métrage de Xavier Dolan est comme ça, d'autant plus qu'en sortant de la salle ce sont surtout ses défauts et ses imperfections qui m'ont fait réagir, des scènes ou dialogues un peu trop longs, des personnages pas toujours sympathiques, des kitscheries un brin "too much"...
Laurence Anyways est le moins "facile" des films de Dolan. Oeuvre fleuve et romanesque qui s'étire sur presque 2h40, il s'agit de l'histoire d'amour compliquée et passionnée de Laurence et Fred racontée sur 10 ans durant lesquels le couple va faire face au désir de Laurence de devenir ce qu'il a toujours été au fond de lui : une femme.
Melvil Poupaud incarne Laurence, s'il n'est pas "évident" de croire en son histoire il est encore plus difficile d'être en empathie pour lui/elle, car Laurence n'est pas le personnage doux et sensible auquel on voudrait s'attendre (il n'aime pas les cornichons dans son hamburger, c'est dire !), je l'ai même trouvé souvent assez dur. Il faut attendre cette scène terrible où il supplie sa mère au téléphone (excellente Nathalie Baye!) pour qu'il dévoile son côté le plus attachant...
Mais celle qui déboîte tout, c'est Suzanne Clément, elle est sublime, exceptionnelle , merveilleuse... elle incarne Fred avec force et passion, les multiples couleurs de son jeu sont effarantes...elle est incroyable de justesse.
Bien sûr, on retrouve Monia Chokri, la formidable révélation des Amours imaginaires dans un second rôle où elle excelle encore une fois.
La mise en scène de Xavier Dolan, lumineuse, carrée et pointue rappelle celle d'un esthète comme Wong Kar Wai mais démontre surtout que le jeune prodige impose de plus en plus une identité qui lui est propre. Quant à sa capacité à placer la musique parfaite pour illustrer certains passages, il montre encore un savoir-faire incontestable et nous sert des scènes d'une efficacité et d'un brio indéniable: l'entrée de Fred à la soirée sur Fade to Grey de Visage ou la traversée du couloir du lycée par Laurence sur A new error de Moderat sont de ces passages qui vous laissent un souvenir incandescent en mémoire et qui vous font traverser un frisson dans l'échine.
Laurence Anyways ne fera pas l'unanimité, mais malgré ses imperfections il s'en dégage quelque chose de si fort et de si intense qu'il s'impose comme une oeuvre à découvrir absolument.