Laurence Anyways, c’est Laurence de toutes les façons. Laurence homme, puis Laurence femme.
C’est le jour de ses 30 ans que Laurence saute le pas et décide d’assumer pleinement ce qu’il pense être au plus profond de lui-même : une femme. Il est alors le tendre et cher de Frédérique qui après mure réflexion, accepte de se lancer dans ce projet fou qu’est d’accompagner Laurence dans sa transformation d’homme à femme.
Mais ceci n’est pas si simple, bien entendu et l’amour ne triomphe pas de tout c’est connu. A partir de ce jour, nous allons suivre le parcours jalonné de ses deux amants fous d’amour l’un pour l’autre. Ruptures, retrouvailles, séparations sont les mots clés de l’histoire. Au début, ils y croient et nous aussi on y croie. Puis l’espoir s’estompe et fait place à la désillusion. Quoi de pire pour Fred qui est sans cesse inquiète à l’idée que Laurence se fasse frapper. L’entourage ne se prive pas de jugements, et les gens regardent et méprisent. On questionne, on ricane, on se permet des actes incongrus. Rares sont ceux qui acceptent Laurence tel qu’elle souhaite être. Sa mère elle-même met beaucoup de temps. Fred a beau être folle amoureuse de lui, elle ne peut rien faire contre le choix de Laurence, qui a attendu trente ans pour enfin se libérer et manifester la personne qui sommeillait en lui. La femme qui dormait là. Lui aussi il l’aime, Lui ou Elle. Passionnément. Mais tout ce que Laurence renie, n’était-ce pas ce que Fred aimait en lui, le côté masculin, virile ?
Film d’une rareté exquise, Xavier Dolan signe ici son troisième long métrage. Après avoir tué sa mère une première fois puis imaginé des amours fantasmés, il met ici en scène une grande histoire vouée à l’échec. Personnellement, j’avais entendu parler de ce film comme d’un film sur la transsexualité. Pourtant, ce n’est pas tant la transsexualité dont à seulement 23 ans Xavier Dolan a voulu parler. Mais c’est avant tout de la différence, de la non-conformité. Le fait que certaines personnes ne répondent pas à une certaine norme, qu’on appelle La norme.
L’intrigue se déroule à la fin du XXème siècle, à la veille des années 2000, dans une période dite d’évolution et de progrès. Le mur de Berlin vient tout juste de tomber et on s’imagine entrer dans une ère d’évolution ou la société ouvrirait à plus de liberté et de permission. Le problème et le personnage de Laurence le souligne bien à la fin, c’est que les gens s’imaginent que le changement va leur tomber dessus, comme ça, sans avoir rien fait pour. Juste sous prétexte que nous entrons dans une nouvelle ère. On s’imagine 2000 comme une révolution, peut-être enfin la liberté ? Thème fondateur du film de Xavier Dolan, la liberté est remise en cause, liberté d’être et d’exister tels que nous sommes. L’intrigue se déroule à Montréal, et commence dans les années 90, alors que l’homosexualité a été récemment retirée du code pénal. Celle-ci commence tout juste à être respecté et toléré. Quant à la transsexualité, encore aujourd’hui, c’est un sujet très tabou en société. Elle est d’ailleurs encore reconnue comme étant une maladie mentale dans de nombreux pays. En France, c’est seulement en 2010 que la transsexualité a été ôtée de la liste des affections psychiatriques.
C’est donc une sorte de conclusion qu’on peut interpréter dans ce film, un bilan. Peut-être Xavier Dolan insinue t il que nous n’avons pas plus de liberté qu’il y a 20 ans et que nous vivons dans un monde toujours aussi normatif ou la différence est encore taboue.