Frederick Wiseman est avant tout un chercheur et admet lui-même tourner ses documentaires comme des phases de recherches. A partir de centaine d’heures de tournage, il n’en conserve qu’un infime partie qu’il tente d’ordonner. Pour Law and Order, cela donne donc une série assez hétéroclite de scènes de vie de la police de Kansas City, majoritairement dans les quartiers noirs et de la ville.
En suivant quotidiennement les patrouilles, le film met en avant le travail de médiation et de proximité de la police, dans un sens du service aux populations. Il n’en masque pas pour autant le racisme systémique et la violence ordinaire des policiers. Par moment, on se demande si les policiers n’oublient pas qu’ils sont filmés, tant ils opèrent dans une forme d’impunité. Par l’absence total de grille de lecture (pas de cartons en début de film, pas de voix off, une observation très en retrait), Wiseman cherche à rester le plus neutre possible dans une observation presque sans jugement.
Si le travail est ainsi très intéressant, et qu’il est bien sûr indispensable de le replacer dans le contexte des années 60 dans le sud des Etats-Unis, Law and Order souligne les questions inhérentes au documentaire de société. En ne gardant que certaines scènes, en les agençant selon un ordre qui lui semble pertinent, Wiseman n’est jamais neutre. Et pourtant, l’aspect disparate des séquences ne permettent pas de déterminer l’angle ou le point de vue, et par la même la finalité d’une telle œuvre. Il en résulte un documentaire fascinant, complexe mais déroutant, dont on ne sait que retenir.