Ecran noir durant 4 minutes 20: http://www.youtube.com/watch?v=81sPHqeN7qc

Lawrence d'Arabie. 7 Oscar dont celui du Meilleur Film. David Lean aux commandes après plusieurs tentatives d'adaptation avortées. 13 millions de dollars de budget qui seraient plus proches des 300 millions selon Spielberg (dont c'est le film préféré), s'il devait être tourné de nos jours. Un quasi inconnu volant la vedette à une prestigieuse distribution. Des figurants par milliers, des batailles dantesques dans la fournaise, à feu et à cendres. Poussière et sang. Des lieux par dizaines, du Canal de Suez à Aqaba, du Néfoud au Caire. Khartoum plein ! Un entracte musical de 4 minutes 40 sur fond noir à 2h19 de long métrage. 3h47 de film dans sa dernière restauration. Une oeuvre aux nombreux superlatifs donc.

INTENSIVE CAIRE
Inspiré du récit autobiographique "Seven Pillars of Wisdom" de Lawrence, ce dernier s'est régulièrement opposé à toute adaptation cinématographique de son oeuvre. Il meurt en 1935 à l'âge de 46 ans des suites d'un accident de moto, son frère Arnold Walter récupère les droits du livre. Ce dernier finira par laisser Sam Spiegel produire le film. Un tournage très éprouvant débute alors, en Jordanie, au Maroc, et en Espagne. Les conditions difficiles, les maladies, l'entente entre les acteurs et Lean (le cast était mécontent lors du tournage car Lean était froid et ne félicitait jamais personne, à tel point que Peter O'Toole a envisagé de quitter le projet, ayant l'impression de ne pas être assez bon dans son rôle !). La reproduction du contexte géopolitique de Première Guerre Mondiale, crédible grâce aux costumes, aux décors, et appuyée par moult détails comme l'évocation de la Convention de Genève ou du traité de Sykes-Picot, tient du miracle.

Avant d'être un atout militaire et d'envoyer des turcs au cimet(i)erre, Lawrence est un archéologue très instruit. Biensûr, "Lawrence d'Arabie" propose une vision romancée, nombre de raccourcis historiques (la prise d'Aqaba...), ajouts d'éléments dramatiques divers et modification d'évènements (mort d'un personnage d'une manière différente, à un moment différent par exemple). Divers personnages fictifs sont par ailleurs greffés au récit, tels Dryden (apportant une dimension politique à l'ensemble), le Colonel Brighton, inspiré du Colonel Newcomb, prédécesseur de Lawrence, ou encore Jackson Bentley, basé sur Lowell Thomas (qui est à l'origine du succès public de Lawrence).

SLAVE TO THE WEJH
Mais le chef d'oeuvre de David Lean est aussi et surtout une épopée flamboyante, superbement mise en images, et admirablement interprétée. Par O'Toole tout d'abord, repéré par Katharine Hepburn dans la pièce "The Long and The Short and the Tall" dans laquelle l'acteur remplaçait Albert Finney - qui aurait pu incarner Lawrence, mais finit par renoncer - pour cause d'appendicite. L'actrice a lourdement insisté auprès du producteur pour qu'O'Toole soit retenu dans le rôle principal. Et quand on voit le résultat, on ne peut que la remercier, Brando lui-même (un temps pressenti lui aussi avant de refuser de "passer deux ans sur un chameau") n'aurait sans doute pu faire aussi bien. Peter, l'As des as.

Comment ne pas évoquer la magnifique scène du mirage ? Longue, proposant une superbe photographie (comme tout le reste du film, il va sans dire), un effet obtenu avec un matériel Panavision spécifique jamais réutilisé depuis et baptisé "David Lean lens". Cette séquence introduit de manière brillante Sherif Ali, charismatique et impitoyable en apparence. Sharif, fais-moi peur ! Quant à Anthony Quinn, Alec Guinness, Jack Hawkins, José Ferrer, Anthony Quayle et les autres, tous contribuent à nous immerger un peu plus encore dans cette oeuvre dont il est difficile de se détacher, véritable sable mouvant cinématographique.

CRUCHE HOUR
Cerise sur le gâteau, Maurice Jarre arrive en ampho…renfort pour s'occuper de la musique. S'il n'est pas le premier choix de Lean (Malcolm Arnold qui s'est chargé du "Pont de la Rivière Kwai" fut d'abord envisagé), le réalisateur fut convaincu en entendant les premières notes de ce qu'allait être le thème principal. Une fois choisi, le compositeur français eut 6 semaines pour créer l'intégralité de la bande originale. Expérience éprouvante physiquement de l'aveu du principal intéressé, le papa de Jean-Michel ne dormant que 2 à 3 heures par nuit durant cette période. Un sacrifice qui paiera, tant la partie sonore s’avère épique et grandiose.

David Lean tournera la majorité des scènes de mouvement de gauche à droite afin de donner l'impression d'un long périple. De "Lawrence d'Arabie", l'on retient un nombre considérable de séquences, toutes plus belles les unes que les autres. L'écho de "The man who broke the bank at Monte Carlo", une vieille chanson britannique chantée par le héros. Les batailles et autres attaques de trains. Les magnifiques et longs plans dans le désert. A ce titre, la restauration 4K fait des miracles. Je pensais revoir ce film, entrevu il y a si longtemps avec mes yeux d'enfant. Finalement c'est plutôt une découverte pure et simple d'une oeuvre hors norme, intemporelle, splendide. Qu'on se le tienne pour dit, "Lawrence d'Arabie" est un film qui a fait et qui décidément, fera datte.
Gothic
9
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le 5 juin 2014

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