PredaThor
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le 29 mai 2013
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Dans la famille des films maudits je voudrais Le 13e Guerrier. Huitième réalisation du grand John McTiernan, auteur des cultissimes Predator, Piège de Cristal, A la poursuite d'Octobre rouge, Une journée en enfer ou encore Last Action Hero, Le 13e Guerrier tient une place de choix dans la liste des projets malmenés. Différents artistiques entre le réalisateur et le scénariste Michael Crichton, poussant ce dernier à retourner certaines scènes du film afin qu’elles collent davantage à sa vision, abandon du film par McTiernan, montage supervisé par Crichton, changement précipité de compositeur suite au rejet du score tribal conçut par Graeme Revell… Le 13e Guerrier devient l’un des plus gros échecs de sa décennie, tant sur le plan critique que public. Depuis 1999 le temps a fait son œuvre et le film est aujourd’hui considéré comme l’une des grandes réussites de son auteur. Penchons-nous sur ce 13e Guerrier afin d’en décrypter, en une courte critique, le sens profond.
1. Récit initiatique :
Adaptation du roman Eaters of the Dead de Michael Crichton, lui-même directement inspiré des écrits d’Ibn Fadlan et du poème épique Beowulf, John McTiernan va au-delà de la simple saga épique pour livrer un fascinant récit initiatique. Parmi les nombreuses thématiques abordées par le long-métrage, la peur s’impose assurément comme la plus évidente. Nous parlons ici d’une peur viscérale et archétypale, une peur universelle, celle de l’inconnu. Étranges créatures cannibales aux allures néandertaliennes, les Wendolls, vêtus de peaux d’ours représentent à merveille cette peur si grande qu’elle a fini par hisser les Wendolls au rang de monstres surnaturels aux yeux des vikings. Parce que l’homme ne grandit que lorsqu’il se décide à combattre cette peur ancrée au plus profond de lui-même, notre compagnie part en croisade contre cet ennemi ancestral ayant élu domicile au fin fond d’une grotte, matérialisation de la psyché humaine, réceptacle dos peurs les plus profondes. La mère des Wendolls tuée, la troupes échappe aux griffes de leurs poursuivants en empruntant un tunnel immergé, illustration de leur renaissance au monde, d’une étape franchie suite à la mise à mort de leur peur.
S’il nous est parfaitement permis d’appréhender les Wendolls comme une projection de notre crainte de l’inconnu, pourquoi ne pas également les voir comme une incarnation de la face sombre et animale de l’être humain, dimension que nous cherchons tous à réprimer.
Outre la question de la peur, Le 13e Guerrier aborde également la thématique de l’apprentissage. Si la notion de peur précédemment évoquée renvoie indirectement à l’enfance, période durant laquelle l’homme commence à appréhender le monde qui l’entoure, c’est également à la manière d’un enfant que Buliwyf réclame à Ibn le besoin d’apprendre l’écriture et la lecture, de même que c’est en écoutant que ce dernier parvient, tel un enfant, à déchiffrer puis parler le langage viking au cours d’une séquence superbement pensée et mise en scène.
2. Cosmogonies :
Au-delà du caractère initiatique du récit, McTiernan confronte dans son film deux cosmogonies diamétralement différentes. Si les historiens seront d’accord pour ranger Le 13e Guerrier dans la case gloubiboulga historique hollywoodien aux côtés de Braveheart ou Gladiator, forcé de constater que si le cinéaste parvient à nous faire croire à cette histoire, c’est avant tout parce qu’il met brillamment en scène l’essence même de toute civilisation : sa cosmogonie. Une cosmogonie, un mode de vie et des croyances que l’on comprend vite conditionnés par l’environnement dans lequel vit ce peuple. Ainsi, un jeune garçon patiente sur son bateau afin que notre troupe puisse affirmer qu’il ne s’agit pas d’un spectre profitant des écharpes de brume pour tromper les hommes. Outre cela, le polythéisme, les funérailles sur un drakkar en flammes, l’invocation des ancêtres, du Valhalla, les légendes sur les immortels monstres mangeurs d’hommes ainsi que le serpent de feu dévalant les montagnes… participent à ancrer le spectateur dans une autre réalité, et ceci d'autant mieux que le film confronte cette cosmogonie nordique à une vision du monde plus proche de la nôtre, celle de notre avatar, Ibn Fadlan. Le 13e Guerrier nous propose ainsi le croisement de deux cosmogonies, de deux cultures différentes s'influençant et s’apportant mutuellement.
3. Regard :
Pour finir, et comme souvent chez McTiernan, Le 13e Guerrier pose la question du regard, de ce que l’on voit ou de ce que l’on croit voir. Comme l’enfant qui apprend à parler en observant son entourage, il est là encore question pour les personnages de regarder plus en détail leur environnement, l’enfant sur le bateau comme leurs ennemis Wendolls, afin que le réel prenne le pas sur le mythe. Observer attentivement le monde qui nous entoure, donc, pour mieux le comprendre et l’appréhender dans toute sa réalité. Plus largement, l’avatar du spectateur étant Ibn Fadlan, c’est tout naturellement à travers son regard que l’histoire nous est contée. C’est donc à travers les yeux d’Ibn que le spectateur découvre cette nouvelle contrée, ses habitants et leurs coutumes, au cours d’une approche que l’on peut aisément qualifier d'anthropologique, à la manière d’un film de reporter.
Si le montage final du film ne correspond pas à l’exacte vision de son auteur, il demeure néanmoins un récit initiatique passionnant et total abordant tour à tour des notions universelles telles que la peur, le langage, le regard ou encore les coutumes, les croyances et la cosmogonie. Le 13e Guerrier touche ainsi au cœur de ce qui fait de nous des hommes. Sans jamais perdre de vue le caractère épique et spectaculaire de son récit en usant entre autres d’une imagerie directement empruntée à l’heroic fantasy, McTiernan marque indéniablement le film de son sceau et le hisse, malgré le remontage de Crichton, et à la simple force de sa mise ne scène, au rang de film culte et, j’ose le dire, de chef-d'œuvre intemporel, ce qui n’empêche pas pour autant les cinéphiles du monde entier de rêver à un possible McTiernan’s cut.
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le 10 août 2023
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