La nature, le retour aux sources. Comme les protagonistes du Retour (2003), ceux du Bannissement se retrouvent loin de tout. Un temps pour la famille, pour s’aérer, se retrouver, jusqu’à ce que l’imprévu prenne le pas sur la sérénité.
Dans cette propriété située au beau milieu de la campagne se dégage un parfum de nostalgie et de tranquillité. Ici règne une nature aux teintes chaleureuses, aux accents provençaux, où il n’y a pas âme qui vive. Quitter la ville pour la campagne, s’aérer l’esprit, se retrouver. Mais, dans ce tableau estival et apaisé est en train de grandir une fêlure qui menace cet équilibre. Et, alors que Le Retour incitait au voyage, à la révélation par l’expérience, Le Bannissement sera le théâtre d’un véritable repli mutuel. Comparé à son premier film, Andreï Zviaguintsev vient ici étirer davantage son métrage, sur une longue durée de deux heures et demie. Un étirement en termes de durée, mais également en termes de rythme, faisant de ce dernier un outil essentiel pour donner du poids à ce Bannissement, à le rendre lourd et exténuant.
C’est un choix qui pourra facilement décourager un certain nombre de spectateurs, mais qui devait être pris pour que ce film véhicule cette force qu’il contient. Car les sujets qu’il traite, aussi rattachés à la vie quotidienne soient-ils, doivent être traités avec gravité. Comment accepter ce qui peut paraître inacceptable ? Quelle réaction avoir et quelle décision prendre ? Et, surtout, ce que nous considérons comme juste l’est-il vraiment ? La fatalité assomme les personnages du Bannissement, tout comme le spectateur, illustrant l’érosion du couple due à la perte de communication entre les individus, et aux divergences qui rompent la concorde.
La gravité est probablement l’un des éléments essentiels du film, tant elle réside dans chaque geste, chaque mot et chaque plan. Elle écrase la légèreté des premiers instants, et éteint peu à peu la lumière qui y régnait. Alex, le personnage principal du film, est au milieu de tout cela, paraissant être le décisionnaire, tout subissant la situation, qui semble le dépasser. L’absence de contrôle sur cette dernière se manifeste par les combines qu’il doit mettre en place, sollicitant ses relations peu fréquentables. Celui qui ne voulait plus fréquenter ce milieu, qui doit agir avec justice, se précipite dans un engrenage qui ne peut que s’enrayer et causer d’importants dégâts. Il y a une forme d’empathie envers Alex, car c’est lui qui doit faire face à une nouvelle qui fait office de trahison, et il décide de faire face, pour ne pas que ses propres ressentiments affectent les siens, notamment ses enfants. Mais Zviaguintsev évite le discours manichéen et parvient intelligemment, en élaborant l’intrigue, à en faire un personnage bien plus complexe qu’imaginé.
Le Bannissement est un film relativement difficile, tant il est grave et tragique. La longueur est probablement l’écueil qui peut rendre difficile l’avancée dans le film, mais elle se justifie par une volonté de poser les plans et de jouer sur les non dits pour raconter et transmettre des émotions. Zviaguintsev poursuit sa voie dans les tréfonds de l’âme humaine, soumise aux lois du destin, quand l’imprévu surgit et rompt l’ordre établi.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art