"Le baron de l'écluse" est un film réalisé par Jean Delannoy en 1960 sur un scénario de Maurice Druon avec des dialogues d'Audiard avec dans les rôles principaux Jean Gabin, Micheline Presle et Blanchette Brunoy.
Sacrée carte de visite. On est en droit de s'attendre à quelque chose de pas mal. Et effectivement.


L'histoire est tirée d'une courte nouvelle de Simenon qui s'intéresse essentiellement à la relation du baron (Gabin) à quai au bord d'un canal dans le nord de la France et de l'aubergiste (Blanchette Brunoy). Le scénario, pour mettre un peu plus de consistance, évoque et établit un passé au Baron (Deauville, le jeu, les dettes, le bateau, les femmes).


Le rôle joué par Gabin est très intéressant car il n'est plus le jeune premier d'avant-guerre ("Pépé le Moko"), plus non plus l'acteur de juste après-guerre ("French Cancan") et pas encore le "patron", le chef ("Le Président", "le Pacha" )
D'ailleurs à un moment donné, dans le film, le personnage du baron exprime le fond de la pensée du vrai Gabin.
"Au début, je n'avais que les yeux bleus (pour plaire), puis il m'a fallu une voiture, puis une plus grosse voiture et maintenant un bateau" se confie-t-il à Perle (Micheline Presle). "M'aurais-tu suivi si je n'avais pas eu ce bateau et si je n'avais eu qu'un sac à dos" signifiant ainsi que le temps passe et qu'il y a des rôles qui sont du domaine du passé.


Dans ce film, Gabin joue un double personnage : le baron, l'aristocrate qui fut un brillant officier aviateur pendant la guerre puis qui vécut sur la rente de la renommée pour devenir un joueur invétéré, "gai voltigeur, joyeux funambule avec du fil de rechange", jonglant avec l'argent et l'amitié des autres de son "rang". Il n'est pas un escroc car il ne fait que récupérer de l'argent, rembourser une dette pour en créer une autre aussitôt, le tout avec aplomb et beaucoup d'entregent ; "Détrousser les petits épargnants est le fait d’adolescents crapuleux ou de ministres chevronnés"
Mais les coutures du costume commencent à craquer : il est de moins en moins crédible. Le casino restreint son crédit, l'hôtelier ose lui présenter la facture "comme vous partez demain, voici la note".
Et devant l'arrêt inopiné du bateau en pleine campagne picarde, le baron qui ne s'illusionne pas sur son avenir, quitte ses oripeaux de baron et son monocle et joue un rôle assez touchant d'homme.
Ne voyant toujours pas venir le règlement d'une dette de jeu, il finit par envisager sérieusement une reconversion vers une situation plus sûre et moins brillante que lui propose l'aubergiste au bord du canal.
De la même façon, quand se présente à Perle une situation stable, Gabin quitte ses habits de Baron (et d'amant de Perle) et endosse la tenue d'oncle pour bien conseiller Perle ; "demain, tu pars avec cet homme et tu deviens châtelaine".


Mais il ne faut pas oublier les très beaux rôles de Micheline Presle et de Blanchette Brunoy.


Micheline Presle joue le rôle de Perle, jeune femme qui a beaucoup bourlingué d'homme riche à homme riche. Comme lui fait remarquer Gabin dans leur entretien "vérité", le problème est que les durées des liaisons deviennent de plus en plus courtes et le temps des rides bientôt venu, "Ma Perle, ne laisse pas passer l'occasion".
Une scène très amusante où Micheline Presle sur le bateau boit du whisky pour oublier sa faim qui lui tord le ventre "Je me la saute" et, sans s'en rendre vraiment compte, se donne en spectacle devant les mariniers rigolards et moqueurs qui l'observent depuis la berge.


Blanchette Brunoy est dans un tout autre registre. Bien plus émouvant. Elle joue le rôle de l'aubergiste qui tient son auberge seule depuis de longues années, abandonnée par son mari et qui voit dans les problèmes du baron en panne sèche, une opportunité. Elle a bien percé le masque du baron et bien compris qu'il est "à quai", fini. Elle espère que le fameux mandat n'arrivera jamais afin de s'attacher cet homme, encore séduisant, dont les manières la changent des mariniers qu'elle côtoie habituellement.


Dans le film il y a aussi quelques autres savoureux seconds rôles comme Louis Seigner, Robert Dalban, Jacques Castelot, Jean Desailly, etc qui ponctuent le film avec leur personnalité ou leur gouaille.


En conclusion, "Le baron de l'écluse" est un bon film de Dellanoy servi par de toujours excellents dialogues d'Audiard qui met en scène un Gabin qui est touchant à la croisée des chemins en ce qui concerne sa carrière.

JeanG55
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le 23 févr. 2022

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