Pour le spectateur français, abreuvé de cinéma sur la Résistance et les camps de la mort, la Deuxième Guerre Mondiale c’est surtout la terreur nazie et l’irréfutable conviction que les Allemands étaient tous des méchants et des SS. Je me rends compte donc à présent que je n’avais jamais vu de film réalisé par un allemand et sur des soldats allemands. Je ne savais même pas que tant de sous-mariniers avaient péri durant cette guerre. En fait, je me rends compte que je suis loin de tout savoir sur ce conflit.
De plus, pour moi, Wolfang Petersen, c’est le réalisateur qui a commis En Pleine Tempête, Air Force One ou encore Troie, alors lorsque l’on m’a recommandé chaudement un de ses premiers films, j’ai cru qu’on se moquait de moi. Je me suis donc lancée dans ces 3h30 de métrage avec une légère appréhension, balayée au bout de 10 minutes devant cette incroyable scène d’ivresse collective de marins teutons ! Qui aurait cru que ce brave Petersen pouvait être un accroc du plan séquence et savait poser de telles ambiances ?
La suite du film est un huis clos de plus de 2 heures, renvoyant à toutes les angoisses enfouies de claustrophobie et d’ennemis imperceptibles. Ce sous-marin est le personnage central du film, dévoilant ses boyaux humides avec une violence assumée. La caméra de Petersen n’en est que plus réjouissante, se faufilant, parfois presque par magie, entre les couchettes, les jambons pendus ou encore les pistons huilés de l’incroyable machine.
La guerre est là, à portée de mains, palpable comme cette eau salée qui fouette le visage des marins remontés à la surface, aussi visible que ces hommes à la mer, torches humaines dans le ventre d’un monstre vaincu. L’horreur de tuer mêlée à la terreur de mourir.
Les sous-mariniers sont clairement montrés comme des héros invisibles. Sans cesse forcés de plonger, toujours plus profond, dans le sein d’un océan hostile, ils vivent une guerre des nerfs. Les barbes poussent, les rations diminuent et une lente folie s’installe. Remonter à la surface serait périr de la main de l’ennemi mais descendre encore plus bas confine au suicide collectif.
Petersen fait de ce constat le propos central de son film. Il y appose un point final aussi cruel qu’inéluctable.