C'est le deuxième titre de ce film "le bateau d'Emile". Pour qui a vu le film, les deux titres peuvent avoir du sens, effectivement. Pourquoi le film est affublé d'un titre alternatif ? Je l'ignore et m'est avis que ça ne doit pas avoir une grande importance.
Reprenons : un film réalisé en 1961 par Denys de la Patellière sur un scénario tiré d'un roman de Simenon que je ne connais pas avec des dialogues signés Audiard, avec un quarteron d'acteurs Pierre Brasseur, Michel Simon, Annie Girardot et Lino Ventura : c'est du bonheur, les yeux fermés.
Ça commence sur les chapeaux de roue avec un Michel Simon, vieil anar viré de la famille, en grande forme (même si son rôle est celui d'un sub-claquant) qui veut faire péter la baraque familiale en reconnaissant un fils qu'il a eu jadis avec une soubrette et à qui il veut léguer sa part d'héritage.
Ça continue avec le frère de Michel Simon, Pierre Brasseur, qui est chef d'une grosse entreprise et surtout le chef de famille très bourgeoise qui hait et méprise ce frère "scandaleux" qui revient mourir dans la famille et surtout y mettre le brin.
Et évidemment, le fils illégitime c'est Lino Ventura, patron d'un petit bateau de pêche, fort en gueule et en descente de canons et verres de blanc. De plus, il est à la colle avec une chanteuse/entraineuse (voire plus) d'un beuglant. Bref pas le genre de la maison bourgeoise de Pierre Brasseur.
Les dialogues d'Audiard percutent comme à l'habitude : "les tropiques vous laissent le choix entre la cirrhose et la vérole ; je me suis offert les deux : c'est mon côté "famille" ! La peur de rater une affaire"
Tout ceci est de bon augure et nous amène tranquillement à la moitié du film. Et là, c'est la panne du scénario, ça tourne dans le vide. Le film se concentre sur le couple Ventura/Girardot dans un numéro de "je t'aime/moi non plus" entrecoupé de significatives beuveries avec quand même quelques scènes drôles. En effet, on s'attendrait à une confrontation fracassante et navrante "famille hautement bourge face au duo Ventura/Girardot" qui ne vient jamais ; a minima, on aurait aimé voir Michel Simon jouissant de son pétard qui s'avère au final très très mouillé. Au contraire, le film s'enlise dans une "normalisation" de la situation c'est-à-dire en une "exclusion " des différentes parties.
Et le spectateur en reste pour ses frais : tout ça pour ça !
Il n'y a rien à dire sur le jeu des quatre acteurs qui est excellent. Mais c'est au scénario d'alimenter les acteurs et pas le contraire. En particulier, le personnage d'Annie Girardot présente une double image, une première, apparente, de femme de petite vertu, celle qui saute aux yeux de tout le monde mais aussi, une deuxième image (cachée), beaucoup plus profonde de femme assumée (scène du bateau) : sapristi ou fichtre (mots polis qui remplacent celui que j'ai plutôt en tête), pourquoi le scénariste n'a pas su rebondir et profiter des capacités offertes par cette actrice géniale ! Quel gâchis de compétences !
Côté casting, un mot aussi pour Jacques Monot dans un rôle de notaire. Habituellement, les personnages qu'il joue sont hauts en couleurs. Ici, il est atone. Encore une occasion loupée.
Au final, "le bateau d'Emile" était bien parti au départ pour être un film tonitruant. A l'arrivée il est plutôt décevant. Quel dommage !