Stewart Granger tient là un de ses meilleurs rôles qui ne soit pas celui d'un escrimeur, il personnifie à merveille George Bryan Brummel, l'arbitre des élégances en Angleterre (grâce à lui, les Anglais ont appris à se laver, à changer de linge, et il fut le premier à porter le pantalon à une époque où tous les hommes portaient des hauts de chausses). Créateur du dandysme, on retient de lui la phrase suivante : "Je traite les duchesses comme des soubrettes, et les femmes de chambre comme des princesses". Son ironie cinglante et son insolence notoires vont tout à la fois provoquer sa célébrité et précipiter sa perte, lorsqu'il se moque de façon récurrente du prince de Galles dont il est devenu le confident ; sa défaveur auprès de ce prince l'obligera à s'exiler en France pour mourir dans la misère, après avoir baigné dans le luxe et la soie.
C'est donc un biopic romancé d'un personnage étonnant, tourné avec un luxe évident de moyens dans les studios anglais de la MGM, avec un casting presque exclusivement britannique ; les décors sont somptueux et raffinés, les costumes aussi. Grâce à tout cela, le film recrée avec beaucoup de soin une cour britannique prise entre un monarque fou (George III) et un prince de Galles aussi futile que disgracieux, opposant le caractère de ce dernier, parfaitement incarné par un jeune Peter Ustinov, à la prestance hautaine de Granger. Lorsqu'il sera roi sous le nom de George IV, ce prince restera maladroit notamment au sujet du sort de Napoléon qui se rendra à Sainte-Hélène.
Le charme naturel de Stewart Granger rend très crédible son personnage de dandy volontiers provocateur et gênant dans une société conventionnelle et pré-victorienne qui, plus tard, rejettera un autre individualiste, Oscar Wilde. C'est dommage que le réalisateur n'appuie pas plus le propos avec un aspect plus mordant, sa réalisation restant décorative, évitant de peindre avec trop de causticité ceux dont Brummel se plaisait à dénoncer la médiocrité.
Mais la reconstitution historique minutieuse et chatoyante rattrape le coup, ainsi que l'interprétation de Granger, Ustinov et la resplendissante Elizabeth Taylor, sans oublier certains personnages secondaires incarnés par James Donald et Robert Morley. Un très beau film.