C'est le tout premier Chabrol (tourné fin 1957, sorti en 1958) et il est aussi considéré comme le premier long métrage de la Nouvelle Vague.
Près de soixante ans plus tard, ça reste un film vivant, intéressant. Un des meilleurs du réalisateur. Je le préfère même à son deuxième long : "Les Cousins" ; je le trouve plus original, plus authentique.
Le scénario est bon, bien construit, fouillé ; les personnages ont de l'épaisseur ; les décors naturels (tout le film est tourné à Sardent, un gros village de la Creuse) renforcent l'authenticité de l'histoire qui prend presque des allures de document ; la photo noir et blanc est belle (il est vrai qu'elle est signée Henri Decae) ; le casting est exceptionnel : Jean-Claude Brialy, Gérard Blain et Bernadette Lafont, tous trois à l'orée d'une carrière éblouissante, illuminent le film de leur présence (même si Brialy est, à mon sens, utilisé un peu à contre-emploi), en décuplent l'intérêt ; enfin la réalisation me semble excellente (pour autant que je puisse en juger, l'aspect technique des films n'étant pas ma spécialité), sans bavures.
Donc coup d'essai et coup de maître pour Chabrol. Et je ne suis pourtant pas un de ses inconditionnels. Je le trouve trop grinçant, avec une vision du monde cynico-réaliste et extrêmement sombre, quasi sado-maso, l'humanité (telle que montrée dans le village de Sardent) se divisant en 4 groupes inégaux : les sadiques dominés par leurs instincts, les phraseurs hypocrites, les réalistes résignés et enfin quelques idéalistes maso. Ceci dit, son "Beau Serge" reste un incontournable de la Nouvelle Vague. Une perle noire.