Précédé de sa réputation de Don Juan, le bel Antonio épouse Barbara, une fille de bonne famille dont la beauté angélique le subjugue -on le comprends, c'est Claudia Cardinale- et que, pour cette raison, il ne parvient pas à "honorer".
"Le bel Antonio" est un film très intelligent où l'on perçoit assez vite que le drame du personnage de Marcello Mastroianni (excellent dans ce contre-emploi) se rapporte à une satire virulente de la bourgeoisie. L'incapacité conjugale d'Antonio, figure anticonformiste du fils prodigue et du séducteur, signifie son refus d'appartenir à une société dont les valeurs altèrent et souillent la beauté et la pureté. Dans ce milieu d'arrivistes et de gens cupides, il est l'innocent, le vilain canard, que l'on montre du doigt, l'intègre qui fait honte.
Son père, célébrant sans cesse le culte de la virilité, le renie; sa belle-famille le remplace, avec la complicité de l'Eglise, par un parti plus fortuné. Jusqu'à l'épouse vierge qui, sitôt qu'elle se figure le plaisir charnel, et sans respect pour le formidable amour que lui voue Antonio, le répudie avec mépris. Le dénouement, très significatif, sera peut-être encore plus cruel pour Antonio, cet anti-Rastignac.
Malgré le ton grave du récit, on ne peut que deviner l'ironie que porte le scénario co-écrit par Pasolini, une causticité satirique très proche de celle de Bunuel, autre pourfendeur de la bourgeoisie. Mais, comme ce dernier -je pense en particulier à "Viridiana"- Pasolini ne fait que défendre une idée absolument pas subversive de la pureté.
L'interprétation est remarquable, et on se rappellera particulièrement la composition tragi-comique de Pierre Brasseur, dans le rôle du père, anéanti, incrédule, à l'annonce de l'impuissance de son fils.