La nuit de la morve vivante
Il a perdu la raison c'garçon... Il ne va tout d'même pas laisser cette note à ce film sous prétexte que c'est l'histoire d'un gros tas de boue rose fluo qui dévore une ville ? Un minimum de "sens critique" bordel... Un truc aussi débile ne mérite pas 8...
Bien sûr que si.
"The Blob" est le rejeton injustement délaissé de ces merveilleuses années 80 qui s'étaient mise en tête de remettre au goût du jour les classiques du film de monstre nés une trentaine d'années plus tôt. Injustement délaissé oui, et bien souvent écarté voir malmené par une critique boudeuse sans grande saveur... Ne bénéficiant pas de la réappropriation de certains de ses illustres contemporains, du polaire "The Thing" imprégné jusqu'aux tripes des ambiances paranoïaques de Carpenter au sanguinolent "La Mouche" possédé par les obsessions de chair et de sens de Cronenberg, "The Blob" se contente de "refaire" l'original en démultipliant chacune de ses scènes dans des extravagances absolument dantesques. Et débiles.
Ça aurait pu donner la pire des daubes, mais force est d'avouer que le sens de la mise en scène d'un Chuck Russel en plein délire reste inlassablement succulent.
Si Russel ne revisite ici aucunement son modèle dans quelconque métamorphose de l'intrigue par quelque touche très personnelle que ce soit, c'est pourtant bien ici le futur réalisateur de "The Mask" qu'on retrouve dans cette suite impensable et effrénée de terreur cartoonesque, reprenant le film de 58 pour en faire une émulsion jubilatoire de son talent pour la démesure décérébrée et de savoureux mélange du gore, du répugnant et du loufoque parfois franchement drôle, faisant de son film un splendide hommage au genre, à la mesure de son magma géant mangeur d'homme.
Les personnages sont tous caricaturaux au possible, frisant l'absurdité totale, à tel point qu'on devine aisément la volonté d'accentuer le côté "jeunes cons" souvent de rigueur dans les productions du genre et servant du même coup le propos "hommage amoureux" de plus belle.
Le Blob, lui, gambade dans la ville tout en croissant de manière préoccupante, passant le temps en testant ici ou là quelques jeux rigolos, comme tenter de faire passer le volume d'un corps humain dans divers orifices, de la bouche d'égout au trou d'évier, broyer des cabines téléphoniques occupées, poursuivre des badauds dans les eaux des égouts ou interrompre une séance ciné en digérant à l'air libre quelques spectateurs. Petit farceur le gros malabar corrosif.
Tout ça ne laisse pas un temps mort et reste bluffant de technique, jusqu'au grand final tout à fait à l'image de son réalisateur : dément.
L'ensemble est parfaitement bien mené et inspiré de la première à la dernière seconde, geyser sublime d'une inventivité créatrice indémodable en matière d'effets spéciaux et de situations comico-horrifiques, véritable illustration vivante d'un pur grand moment de pulp, se contentant de raconter l'histoire d'un glaire géant baffrant des passants. Si on obtient pas ici l'ampleur des réappropriations de certains de ses contemporains, on bénéficie au moins d'un excellent délire surfant sur la vague euphorique et goulue d'un Tremors. Et moi, j'adore Tremors.