Notre charmant Khmyr voudrait bien vivre sa vie de campagnard le plus paisiblement possible. Avec le brin de blé coincé dans le coin d’un sourire de satisfaction. Son beau cheval dans l’étable, sa femme qui se balance sur les trois pieds de ce qu’il reste d’une chaise. Et puis le coffre remplit d’argent, enfin, juste ce qu’il faut pour vivre. Il n’en demande pas plus Khmyr. Mais son problème c’est qu’avant de vivre son rêve de retraité tranquille, il va en avaler des couleuvres, le pauvre garçon.
Beau pari de Medvedkine, en 1935, que de faire de son film un dénonciateur du communisme. Quelle jolie idée également de détourner le problème par l’humour. J’ai retrouvé ici un peu de deux américains bien connus de tous : Chaplin et Keaton. Si Medvedkine ne se met pas lui-même en scène, il sait utiliser les corps de ses acteurs et créer toutes les dynamiques de son film autour d’eux. Esthétiquement, il n’y a pas grand-chose à discuter. Les moyens sont limités, mais on s’en fout pas mal, non ? Les points importants du film fonctionnent, on rigole d’humour, de tendresse et de ridicule… notamment avec cette scène qui m’a fait beaucoup rire. L’absurde se mélange au macabre, tout ça sublimé par un gros plan pittoresque sur cette gueule affreusement délicieuse d’expressions. Et puis il y a aussi cette scène où notre pauvre Khmyr choisit de mourir. On lui becte toutes ses réserves, il n’a plus un grain pour se nourrir, alors ça suffit. Khmyr démonte les planches de sa bicoque pour se fabriquer une nouvelle maison, un peu plus étroite, juste à la taille de son corps. Et ça ne va encore pas ! On ne peut même pas crever en paix dans ce pays ! Sa fripouille de voisin part le dénoncer à tout le voisinage, et voilà qu'ils débarquent tous. Pauvre Khmyr, le voilà dans de beaux draps. En plus de ne pas être mort, on va lui infliger le fouet, mais sans qu’il meure, précise l’instance.
Vous l’aurez compris, le film est un enchaînement de situations et de quiproquos inextricables, pourtant, ça finit bien. Alors si vous avez un petit coup de mou, vous pouvez regarder le Bonheur, il vous rappellera qu’il se trouve justement au cinéma, avec une femme ou en fumant une clope après une tentative de suicide aussi hilarante que ridicule.

Créée

le 6 mars 2020

Critique lue 418 fois

19 j'aime

6 commentaires

Lulisheva

Écrit par

Critique lue 418 fois

19
6

D'autres avis sur Le Bonheur

Le Bonheur
Morrinson
8

Keaton au pays des Soviets

Le cinéma soviétique dispose de nombreuses pépites à la gloire de la paysannerie, à travers l'éloge du kolkhoze qui s'oppose vaillamment aux riches koulaks, où l'on parle de paysans, de collectivité,...

le 12 avr. 2021

6 j'aime

Le Bonheur
Melinav
7

Critique de Le Bonheur par Melinav

Khmyr is the archetypical loser : he can't do a thing right and ends up messing things up completely in every situation. However he remains a very lovable loser. What I liked about this film is that...

le 11 avr. 2018

2 j'aime

Le Bonheur
Flip_per
7

Nous d'abord, je ensuite

Magnifique comédie sociale d'une splendide poésie graphique. Une fable sur l'égoïsme, l'individualialisme, la cupidité, sous l'optique pure du communisme.

le 22 janv. 2024

Du même critique

Comment chier au bureau
Lulisheva
3

Pièce en 2 actes : Une heure de la vie d'un site lucide

Dans un monde où tout tourne à l’envers Sans CiTrique est un site sur l’Internet qui permet aux utilisateurs de discuter cinéma, musique, littérature etc… il crée des amitiés mais des fois ça clash...

le 6 mai 2019

62 j'aime

37

Blue Velvet
Lulisheva
9

She wore blue velvet, but in my heart there'll always be...

La première fois que je l'ai vu, j'étais déçue. Je n'avais pas tout de suite saisi que ce film et son ambiance angoissante s'étaient introduits au plus profond de mon inconscient. L'envoûtante...

le 29 mars 2017

61 j'aime

12

Les Proies
Lulisheva
5

Tiré(es) à quatre épingles

C'est clair, Sofia Coppola avait un bon sujet entre les mains. Grâce à son esthétique parfaitement travaillée elle aurait pu nous livrer une alternative de Mademoiselle. Malheureusement le film...

le 23 août 2017

46 j'aime

31