Le Bossu de Notre-Dame
6.6
Le Bossu de Notre-Dame

Long-métrage d'animation de Gary Trousdale et Kirk Wise (1996)

Adaptation animée du célèbre roman *Notre-Dame de Paris* de **Victor Hugo** – que je n'ai toujours pas lu – *The Hunchback of Notre-Dame* est réalisé, cinq ans après, par l'équipe déjà aux commandes du sympathique *Beauty & The Beast*. Au-delà de l'attirance affirmée pour notre doux pays, on y retrouve alors sans surprise les mêmes thèmes autour de 


la beauté d'âme derrière l'apparence rebutante,



de l'amour inattendu qui naît contre toute attente, mais d'autres également, évoqués rapidement et sans profondeur, plus adultes, et qui viennent malheureusement, dans le survol approximatif, éparpiller le métrage plutôt que de l'enrichir.


En plus de la similarité des thèmes abordés, il faut d'entrée noter les correspondances structurelles de la narration avec une ouverture dramatique sous le regards des saints sculptés aux portes de Notre-Dame et qui inspirent la sentence, la malédiction : le bébé sauvé ne l'est que s'il reste enfermé là, dérobé aux regards des foules, coupé du monde. On ne peut alors s'empêcher de se remémorer les vitraux d'ouverture du film précédent et l'ensorcellement de ce prince transformé en bête effroyable.


L'homme est-il un monstre ou le monstre un homme ?



Tout le récit s'attache ici à tenter d'illustrer cette question. La séquence de la fête des fous sur le parvis de la cathédrale met bien l'accent sur la vile cruauté d'une masse populaire où l'individu se renie pour alimenter la haine de celui qui n'est qu'une erreur à leurs yeux, qui ne peut être vu sans renvoyer à ceux-là qui le toisent leur propre monstruosité, leurs propres différences. Au cœur de ce déchaînement dégueulasse de cris et de pure méchanceté, la belle bohémienne, par son courage autant que par son agilité vient enchanter soudain le spectateur ému et affirme


l'espoir de la tolérance



où son cœur pur la guide. Face à Esmeralda et à Quasimodo, le vilain de l'histoire, Claude Frollo, cœur de pierre sous l'allure de gentilhomme contrit qui dit appliquer la loi de Dieu, se révèle donc monstre sous ses airs d'homme tout en incitant malgré lui ce bossu qu'il ne sait plus manipuler à se regarder lui-même comme un homme et non plus, tel qu'il le lui répète depuis l'enfance, comme ce monstre que personne ne désire croiser. Dans le même élan, c'est la bonté d'Esmeralda qui pousse tout autant le difforme à ouvrir son cœur, à s'humaniser enfin : la belle révèle l'homme sous la bête...



Et la redondance vient heurter le spectateur



légèrement fâché de se laisser vendre une redite.


Quelques pistes pourtant sont approchées qui auraient pu transformer l'essai en nous en racontant plus, en nous invitant à une réflexion plus profonde, sociale, historique et politique : martyrisés ceux-là qui sont différents, qui ne rentrent pas dans la norme établie, que ce soit le Bossu ou les bohémiens réfugiés à la Cour des Miracles, nous parle-t-on là du fascisme religieux du moyen-âge ? En profite-t-on pour évoquer d'autres régimes, pas si lointains, du vingtième siècle ? L'idée n'est que survolée, utilisée pour quelques rebondissements mais jamais développée. Tenté par la chair de l'étrangère celui qui pose la main lourde et mortifère de la haine sur ces populations différentes, nous raconte-t-on les paradoxes de l'homme en qui amour et haine résonnent aux extrémités d'une même corde ? Une séquence musicale dit cela en quelques phrases que les enfants ne peuvent réellement comprendre mais, une fois encore, ce sera tout. Troublé et replié dans son imagination celui qui est emprisonné et survit de solitude depuis l'enfance, dialoguant avec des gargouilles qu'il est le seul à entendre, le seul à voir bouger, nous parle-t-on de schizophrénie ? L'évocation n'est pas assumée, ne sert que de ficelles à l'expression de personnages secondaires finalement sans grande importance et 


jamais les dérives de la solitude forcée ne sont stigmatisées.



Où l'on découvre alors la richesse de ces pistes laissées elles aussi à l'abandon.
L'animation est respectable, les personnages en caricature dans l'esprit des productions **Disney** de l'époque (seul le vil Frollo hérite d'un visage bien lisse pour mieux illustrer le propos), et les décors sont grandioses malgré quelques aléas de faux raccords dans la géographie de Notre-Dame au bord de la Seine, parfois presque au bord de l'eau, parfois séparée des berges par deux ou trois rangées de maisons. La séquence de la Cour des Miracles et celle des catacombes qui y mène sont un peu courtes, pauvres. Et encore une fois, l'incrustation du celluloïd dans des décors de synthèse pose problème. Plus encore lors de cette plongée sur la foule au pied des tours qui fuit et panique en un chaos un peu trop ordonné.


Ces facilités des nouvelles technologies ne sont pas encore intégrées



et dénotent dans la tenue graphique de l'ensemble, venant par à-coups briser l'élan de la narration. Sans oublier le feu final, nourri, dense, avalant tout ce qui se trouve dessous, derrière, et qui dévore jusqu'aux moindres détails, sans finesse, sans émotion. Sans relief.


Sans être une catastrophe, *The Hunchback of Notre-Dame* montre de nombreux signes d'essoufflement après le très beau *Beauty & The Beast* et l'on ne peut que regretter 


ces impressions de répétitions, de facilités et de survol sans profondeur.



L'idée était là pourtant, d'aller plus loin que le discours déjà tenu dans le film précédent autour de l'apparence, de la monstruosité sous l'allure noble et de l'humanité sous les traits du monstre. Quand Quasimodo brise enfin ses chaînes, là entre les deux tours de la cathédrale, c'est tout le peuple miséreux de Paris qui prend conscience des divisions appuyées qui le maintiennent sous le joug du tyran, entre soumission et espoirs, et s'élance alors dans une irrémédiable et salutaire rébellion : deux minutes à peine dans ce récit au long court mal tronqué. Ce n'est pas le héros qui est bossu, c'est bien



le scénario, tortueux et hésitant,



incapable d'aller au bout de ses errances par manque d'ambition, par manque d'unité. Ce qui aurait pu faire la force du film n'est jamais considéré, relégué au placard des tours.
Ne reste alors que d'immenses regrets.

Matthieu_Marsan-Bach
6

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Créée

le 3 mars 2018

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