Voici une histoire d’ombres, Quasimodo grandissant dans celle de Claude Frollo, lui-même tuteur de l’enfant difforme à la suite de sa « confrontation » avec l’imposante et emblématique cathédrale parisienne... elle qui constitue la clé de voûte identitaire du Bossu de Notre-Dame, film placé ironiquement dans l’ombre de ses deux prédécesseurs : Le Roi Lion et Pocahontas.
Non pas qu’il faille comparer ceux-ci, mais leurs envergures formelles respectives nous y incitent (encore) : car le fait est que le 34e Classique d’animation des studios Disney ne parvient pas à égaler le souffle épique du premier, ni la finesse majestueuse du second. Dans les faits, cela se traduit par une utilisation plutôt tronquée de la capitale française, le film ne rendant pas vraiment compte de sa dimension ni de son aura (exception faite de rares panoramas) ; dans une veine plus « micro », les divers personnages témoignent d’un trait brut et moins inspiré, sans compter des chara-designs (Frollo surtout) aussi peu plaisants que marquants.
Arborant une imagerie moins « subtile » que ses illustres aînés, le long-métrage du duo Trousdale/Wise (qui officia d’ailleurs sur La Belle et la Bête) n’est toutefois en rien rebutant, loin s’en faut : s’il édulcore les attributs physiques de Quasimodo, au même titre que sa « véracité littéraire » (nous y reviendrons), ce dernier se veut le fer de lance d’une animation versatile. Sous ses dehors patauds, le bougre se fend ainsi d’une agilité presque gracieuse, comme au diapason d’une Notre-Dame vectrice de bien des paradoxes : car par-delà son architecture résolument gothique et ses silencieuses (pour certaines), il émane bien de celle-ci une grandeur à la fois dans la stature et l’âme.
Rayonnant sur le récit, l’extraordinaire édifice n’est jamais loin de l’action et semble même exacerber les passions, elles qui ne caractérisent que trop bien le long-métrage dans son ensemble : même les plus zélées et dangereuses. Si l’on passera outre l’amourette convenue liant Phœbus à Esmeralda, l’usage du juge Frollo est en ce sens révélateur des prétentions d’une intrigue nuancée : en faisant de ce dernier un personnage odieux mais prisonnier de son propre endoctrinement, la mise en exergue de son obsession contradictoire pour cette diablesse de bohémienne se veut savoureuse.
Certes, et sans trop de surprise, Le Bossu de Notre-Dame ne fait qu’adapter librement le roman de Victor Hugo, et se départage donc d’une teneur davantage fataliste : ici, quand bien même Quasimodo tiendrait finalement la chandelle, le dénouement donne raison aux justes et frise par voie de conséquence le happy-end d’usage. Outre des protagonistes évacués pour les besoin du présent scénario, le film s’adonne également à un humour ne faisant pas toujours mouche, et c’est bien dommage : Disney oblige, le comic relief s’incarne ici en trois sculptures auréolées des meilleures intentions, mais dont les blagues douteuses et autres anachronismes jurent un peu trop avec l’empreinte « grave » du tout.
S’il ne s’agit pas d’une faute de goût en tant que telle, gageons cependant que cela met parfaitement en exergue les affres du film : pas vraiment réjouissant, trop peu frissonnant... et donc point grisant. S’il est pétri de qualités indéniables, à commencer par sa relative maturité et des séquences mémorables (surtout son ouverture), Le Bossu de Notre-Dame ne m’aura donc pas transporté, n’en déplaise au Paris d’antan et sa cathédrale monumentale.