Le Bossu de Notre-Dame
6.6
Le Bossu de Notre-Dame

Long-métrage d'animation de Gary Trousdale et Kirk Wise (1996)

Le Bossu de Notre Dame se résume à ceci : un manque d'équilibre. En effet, il m'a vraiment semblé tout au long du film que réalisateurs et scénaristes avaient eu du mal à faire la part entre le dessin animé destiné aux enfants, et les thèmes très "adultes". D'un côté, les gargouilles qui parlent, ce qui fait rire les gosses, même s'ils ne comprennent pas la moitié de ce qu'elles racontent, et Clopin, le narrateur vêtu d'habits bariolés et marionnettiste. Et de l'autre, le juge Claude Frollo, méchant absolument terrifiant, fou amoureux de la bohémienne Esmeralda, alors qu'il a juré la perte de son peuple, et Quasimodo, bossu, borgne, boiteux, au visage déformé, rejeté par le monde de par sa différence, totalement soumis à ce maître mauvais, frustré et ivre de pouvoir.


Les thèmes si opposés et les scènes si différentes s'entrechoquent maladroitement, passant de la légèreté du Festival des Fous et de la danse d'Esmeralda, à la noirceur viscérale d'un Claude Frollo, personnage immensément complexe, déchiré entre la raison et le désir brûlant qu'il juge impie et qu'il ressent envers la gitane, ainsi qu'à la scène tout simplement atroce de Quasimodo qui se fait lyncher après avoir été couronné Roi des Fous. Cette gaucherie se retrouve aussi dans les chansons, toutes très réussies d'ailleurs, n'empêchant pas une grande rupture entre "Infernal" de Frollo, et "Charivari" et "Un gars comme toi", respectivement interprétées par Clopin et les villageois, et les gargouilles.


De plus, je doute que les enfants connaissent les mots "impie", "bacchanale", ou encore "abhorrer". Encore une fois, ce dessin animé est censé être destiné aux enfants, et pourtant il me semble qu'il leur est, en un certain sens, inaccessible.


Mais le fait que Le Bossu de Notre Dame soit inspiré de Notre Dame de Paris de Victor Hugo explique beaucoup de choses : le roman du célèbre écrivain romantique est, selon moi, un drame d'une tristesse absolue, où les personnages sont beaucoup plus sombres que dans le dessin animé ; d'ailleurs, Frollo est, dans le livre, archidiacre, et non juge, ce qui accentue sa torture psychologique par rapport au désir qu'il ressent pour Esmeralda, alors qu'il est prêtre, c'est le péché de chair. Mais, si le dessin animé Disney s'inspire largement de l'intrigue, il s'en détache aussi énormément, car il ne faut pas oublier que leur intention n'était pas de faire une adaptation fidèle : imaginez deux secondes le traumatisme des enfants en voyant qu'Esmeralda est pendue, et qu'une fois enterrée dans une cave humide, Quasimodo la rejoint et se meurt à côté d'elle, leurs cadavres unis pour l'éternité ! L'esprit Disney, c'est le côté bon des protagonistes, la douce et attendrissante naïveté de l'histoire, la happy end, pas la choquante expérience d'une fin tragique. Mais c'est pourquoi la perversité du personnage de Claude Frollo étonne énormément, comparé au côté léger d'Esmeralda, la force et l'humilité de Phoebus, le désir de liberté de Quasimodo et l'humour des gargouilles.


Quant à la profondeur des personnages, il me semble évident que Frollo et Quasimodo sont les personnages les plus développés, même si Quasimodo parfois a des réflexions très creuses et mêmes niaises. En ce qui concerne Esmeralda, son côté sensuel est très visuel, mais ressort surtout sa bonté vis à vis des plus faibles, d'où sa chanson "Les Bannis ont droit d'amour" ; son personnage n'est cependant pas plus approfondi. Phoebus est le personnage de figuration : il est là pour l'histoire d'amour, pour éviter que la jolie fille ne termine avec le laid, il est la figure de force, de droiture, de courage, mais il est bien fade, vide, et n'est, au fond, qu'un personnage très secondaire.


N'oublions pas de souligner la beauté des graphismes, notamment de la cathédrale et d'un Paris médiéval. On regrette donc un peu "l'américanisation" de certains côtés, comme le cliché des croissants français et des cabarets, mais dans l'ensemble, comme je l'ai dit au début, Le Bossu de Notre Dame manque d'équilibre, entre deux penchants très différents. On ne sait pas trop au final à qui est-il adressé, à qui est-il destiné. Cela démontre la complexité d'un dessin animé trop mature pour les enfants, mais aux aspects trop enfantins et creux pour certains adultes.

ravenclaw
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le 13 févr. 2015

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ravenclaw

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