Mulan est un dessin animé très fin, poétique et fort. S'entremêlent tout au long du film des séquences incroyables, où la douceur côtoie la violence, où la pureté et la haine s'entrechoquent, où se heurtent joie et tristesse.
En Chine, Mulan, fille unique d'un couple dont le vieux père est boiteux, choisit de prendre sa place dans l'armée lorsque l'Empire du Milieu est envahi par les Huns.
Mulan, c'est elle. C'est d'abord une jeune fille qui ne colle pas dans le rôle de la mariée modèle qui doit enfanter pendant que les hommes se battent. Mais, en se sacrifiant pour sauver son père qui était fatalement voué à la mort, en se travestissant, en se faisant passer pour un homme, elle devient une femme. Une femme courageuse, intelligente, forte, combattive, maligne et astucieuse, tout en conservant sa douceur, sa sensibilité, et son amour pour les siens. Elle suscite l'étonnement, la surprise, l'admiration, et est reconnue à la fin par tous, les hommes, l'Empereur, et toute la Chine.
Ses parents, et surtout son père, malgré son infirmité et sa faiblesse, restent une figure de force incroyablement puissante, notamment dans leur amour et leur fidélité l'un envers l'autre. L'Empereur, d'une sagesse inébranlable, se charge de glisser ici et là des maximes qui guideront l'héroïne : "qu'importe que le vent hurle, la montagne jamais ne ploie devant lui." Shang, le capitaine, apparaît au début très buté, sûr de lui, n'ayant besoin de personne. Au fil de l'histoire, on découvre sa vulnérabilité, son inexpérience liée à son jeune âge, son impuissance face à certaines situations, sa rancune ; Mulan et lui se complètent, se cherchent et se trouvent, s'aident, s'aiment et se respectent.
Je parlais plus tôt de séquences très frappantes, qui m'ont toujours fascinée. Ma préférée est celle où Mulan se coupe les cheveux, marquant une grande rupture entre sa vie de jeune fille bien rangée ou presque, et la période pendant laquelle elle devra s'illustrer pour retrouver l'honneur et sauver son père. Juste avant cet épisode, elle est doucement en train de pleurer sous la pluie. Les secondes suivantes, elle est déterminée, convaincue, prête à tout. Mulan est une warrior badass.
J'ajoute aussi la séquence absolument atroce de la découverte sur la neige grisâtre des conséquences du massacre de l'armée chinoise perpétré par les Huns. Cette scène sanglante et terrible contraste avec la chanson qui la précédait, "Une belle fille à aimer", tout en humour et légèreté.
Et comment ne pourrais-je pas mentionner la séquence mortelle et abasourdissante de l'apparition des milliers de Huns en haut de la montagne, et leur attaque impressionnante, tout comme la scène qui me terrifiait étant gamine, c'est-à-dire celle où Shan Yu, après l'avalanche, brandit son poing hors de la neige, et réalise l'ampleur de l'hécatombe de son armée ?
Ce film, si vous observez bien les décors, en particulier la neige, est articulé autour de l'idée "less is more", le moins fait le plus, qui est toujours très forte, artistiquement. On sent la présence d'artistes chinois dans les graphismes, surtout dans le prologue, quand des fleurs de prunus s'enroulent avec grâce autour du titre. Les traits sont fins, les arbres croulant sous les fleurs de cerisier apportent de la délicatesse, les scènes sont tour à tour légères puis graves. Mulan est, à mon avis, réussi dans ce que l'histoire a de touchant, fin et nuancé, ce qui n'est pas le cas des dessins animés suivants, comme Hercule, Atlantide, Tarzan ou le désastreux Lilo & Stitch, lourds dans tous les sens du terme.
Je n'oublie pas non plus l'humour qu'il y a dans ce dessin animé, notamment grâce aux trois soldats, Yao, Ling et Chien-Po, qui me font littéralement mourir de rire, surtout quand ils sont déguisés en concubines afin de sauver l'Empereur, lors de la scène du bain imprévu avec Mulan et lors de la chanson légendaire "Une belle fille à aimer". Mushu, le petit dragon incapable de cracher du feu, est également drôle, mais, personnellement, il m'énerve un peu à la fin. En revanche, la grand-mère de Mulan est tout simplement géniale et hilarante, notamment dans la scène de fin, quand Shang vient rendre à Mulan le casque de son père et qu'elle l'invite à diner :
"- Voudrais-tu rester pour le repas ?
- Voudrais-tu rester pour toujouuuuuurs ?"
Je ne déplore donc dans ce dessin animé que deux choses : Mushu, qui devient un peu agaçant vers la fin ; et, le pire, la scène de fin avec les ancêtres qui se déhanchent sur du Stevie Wonder : les Américains ne pouvaient vraiment pas s'empêcher de placer une scène bien lourde qui rompt complètement avec la finesse et la beauté de tout le dessin animé.
Mais si vous avez l'occasion de le voir ou de le revoir, je vous en prie, allez-y, vous ne pourrez qu'apprécier ce merveilleux dessin animé qui est clairement mon préféré.
"La fleur qui s'épanouit dans l'adversité est la plus rare et la plus belle de toutes"
NB : malgré tout ce que j'ai pu dire sur le fait que les graphismes, notamment en ce qui concerne le personnage de Mulan, étaient très fins, il faut savoir qu'en Chine, les habitants ont trouvé notre héroïne très laide, car pas assez grosse : elle ne colle donc pas tellement aux canons de beauté chinois, de 1998 en tout cas, et garde donc une touche occidentale. Mais, pour être franche, je m'en fiche complètement : pour moi, Mulan est une des plus belles héroïnes de Disney.