Lent, incongru, parfois proche du film-concept dans sa structure Katzelmacher est le second long métrage de son auteur-acteur-réalisateur : le prolifique et marginal Rainer Werner Fassbinder. Empreint de théâtralité cet essai cinématographique pour le moins fascinant succède donc à L'amour est plus froid que la mort dans la filmographie du cinéaste.
On sent d'emblée le jumelage esthétique caractérisant les deux films sus-cités : atmosphère désaffectée conférant à l'abstraction, médiocrité des rapports humains galvanisée par l'argent et la sexualité, peinture sociale d'un groupuscule de laissés-pour-compte, Noir et Blanc d'une splendeur étincelante compensant la modestie des moyens dont disposaient le réalisateur et son équipe... La mise en scène de Katzelmacher, statique et purement dramatique dans le même mouvement, s'avère prodigue en matière d'idées visuelles et sociologiques.
Comme tourné en vase-clos Katzelmacher ressemble à un vaste drame intimiste articulé autour d'une poignée de personnages le plus souvent filmés en binôme ; fortement critique à leur égard Fassbinder les enferme littéralement dans une logique centripète, pour mieux laisser exister le hors-champ comme un exemple saisissant d'hostilité... au point de se mettre lui-même en scène dans la peau du jeune Jorgos, simple immigré grec confronté au racisme de la bande de jeunes bavarois et surgissant de manière impromptue dans le coeur du plan ! Le réalisateur joue énormément sur la théâtralité de son dispositif, n'hésitant pas à tendre vers un récit non exempt de systématisme mais suffisamment intéressant pour qu'on lui pardonne cet artifice un brin grossier.
Une fois encore le cinéma de Rainer Werner Fassbinder sidère par son audace constante et sa singularité, d'autant plus remarquable lorsqu'on sait que Katzelmacher n'est que le deuxième film d'une Oeuvre dense et plastiquement ravissante. Mise en scène passionnante, acteurs et actrices superbement dirigés, cadrages sciemment élaborés : une belle découverte.