Je ne me souviens pas de toutes les variations cinématographiques que j'ai vues autour de la figure de Jesse James, mais cette version de Henry King est très certainement la plus romantique parmi toutes celles-là. Un romantisme mélodramatique qui s'exprime à travers une fibre classique, au sens propre, et qui fait le choix (pour cette toute première œuvre de fiction d'envergure sur le sujet, en cinéma parlant) de l'hagiographie totale. De la contextualisation du banditisme des frères Jesse et Frank James jusqu'à l'épitaphe en conclusion, le ton n'aura pas varié d'un iota : ce sont les circonstances extérieures qui ont poussé Jesse l'ange innocent dans l'illégalité. On comprend assez vite qu'il ne s'agira pas d'introduire un tant soit peu de nuance dans le portrait ou d'objectivité dans la reconstitution historique.
Ce manichéisme entache quelque peu la capacité d'immersion du récit, et ce en dépit des bonnes qualités d'interprétation des différents acteurs, de Tyrone Power à Henry Fonda en passant par la figure tutélaire de Randolph Scott. Quelques seconds rôles seulement ne sont pas très convaincants, comme par exemple le grand méchant Brian Donlevy à la solde des propriétaires du chemin de fer qui exproprie manu militari (ou en les extorquant) les pauvres habitants qui se trouvent sur le futur chemin de l'Iron Horse à la fin de la Guerre de Sécession. Nancy Kelly, aussi, ne brille pas particulièrement dans son rôle d'épouse de fugitif, et le patron de la société de chemin de fer sous les traits de Donald Meek n'est pas non plus irréprochable dans sa composition de grand vilain. Idem pour John Carradine dans le rôle du lâche Bob Ford.
Tout est fait pour que les frères James soient perçus comme de parfaits innocents, toujours en situation de légitime défense (on a touché à leur maman, qui plus est), acculés à recourir à la violence dans leur condition de hors-la-loi malgré eux. Des bandits jeunes, beaux, avec l'élégance de l'aristocratie, ou presque. C'est dommage, indépendamment de la véracité historique trébuchante. Drôle de parti pris, l'édification d'un brigand comme hagiographie assumée, en pleine époque gouverné par le Code Hays.