Les films muets, et surtout les plus anciens, ceux qui ont une image dégueulasse et tremblotante, pleine de scratch, ont définitivement le chic pour me mettre mal à l'aise. Peut-être parce qu'ils me laissent avec la désagréable impression de voir des fantômes à l'écran, d'assister à une sorte de cérémonie funèbre où je serais l'unique spectateur, du moins vivant. Ca vaudrait le coup d'en parler à un psy, tiens...
Considéré comme un des films précurseurs du cinéma d'épouvante (à vérifier), "Le cabinet du Docteur Caligari", avec ses décors surréalistes, son expressionnisme délirant et ses décors distordus, donne le sentiment d'assister à un songe, aux délires d'un fou tentant de passer pour sain d'esprit.
Sur une intrigue kafkaïenne en diable, rappelant par instant le "Double assassinat dans la Rue Morgue" de Poe, "Le cabinet du Docteur Caligari" nous plonge dans les méandres d'un esprit malade, nous fait douter de notre propre santé mentale, nous imprègne la rétine d'images fortes et souvent inoubliables, à commencer par le visage blafard et traumatisant de Conrad Veidt, somnambule et assassin malgré lui, pure figure tragique proche de la créature de Frankenstein.
S'il n'a pas la douloureuse poésie macabre d'un "Nosferatu" ni l'aspect visionnaire d'un "Metropolis", s'il se repose sur une trame cousue de fil blanc, "Le cabinet du Docteur Caligari" reste une date importante dans l'histoire du cinéma et conserve encore toute sa puissance évocatrice.