Paul Vecchiali assume parfaitement son personnage de vieux ronchon se penchant sur un passé amoureux aux parfums d'aventures. Par ses sautes d'humeur, ses blagues et ses pleurs, Rodolphe donne le ton d'un film libre aux accents burlesques avançant au gré de rencontres qui sont autant de variations sur le passé, l'amour et la vieillesse.
Si le cinéaste fait volontiers le parallèle entre son film et Un carnet de bal de Julien Duvivier, on pense aussi à La Ronde (Schnitzler puis Ophüls) dans cette manière très théâtrale de passer d'un personnage à un autre. Et s'il s'agit de théâtre, Vecchiali le rend cinématographique, un peu à la manière de Resnais (mais en décors naturels) privilégiant toujours le jeu, la pantomime parfois, la fantaisie.
Le film raconte autant les relations faussement tumultueuses entre un père et son fils, que les brèves rencontres entre ce père et "les femmes de sa vie" et l'apprentissage amoureux d'un fils à la sensibilité complexe. Ne sachant pas être tendres ou refusant de l'être, l'un et l'autre se chamaillent et se rabrouent sans être dupes.
On ne sait finalement pas si tout cela est bien réel ou si Rodolphe s'invente des retrouvailles pour alimenter une nostalgie de désirs. Râlant contre la vieillesse et se confrontant aux erreurs commises, il décompose une vie qui nourrit ses souvenirs, son imagination, ses regrets.
Le petit théâtre de Vecchiali possède un charme indéniable. Très écrites, les scènes se succèdent avec un tempo maîtrisé, le ton variant constamment entre drôlerie et gravité. Si la franchise est désormais de mise, le mensonge ou le non-dit ne semblent jamais loin. C'est qu'il s'agit d'amour et ce n'est pas chose aisée.
De grandes actrices "du passé" (Annie Cordy, Françoise Lebrun, Françoise Arnoul, Édith Scob) viennent hanter le présent de Rodolphe et contribuent à la mémoire toute cinématographique du film. Chacune semble évoluer dans un écrin (devant un rideau rouge, dans un jardin, cachée sous l'habit d'une religieuse) et, telle une apparition, contribue à l'aspect presque fantastique du récit. On notera aussi les belles participations de Marianne Basler et Mathieu Amalric.
En fils somnambule mais terrien, Pascal Cervo compose un personnage attachant et secret, comme une déclinaison moins bourrue de son père, plus sensible.
Rodolphe veut revoir Marguerite. On comprend vite qu'elle ne nous apparaîtra qu'à la fin et qu'elle sera Catherine Deneuve. À ce titre, le film est aussi une promesse. Et si on ne sait pas si la rencontre a lieu, la promesse est belle et bien tenue. Impériale et généreuse, l'actrice impose son personnage avec une sorte de légèreté fragile, comme la jeune actrice qu'elle fut à 18 ans. On ne peut que l'aimer.