« Wes Craven présente », nous dit-on sur l’affiche.
Que le maître de l’horreur ait été producteur exécutif sur ce film n’implique pas que celui-ci ait été pleinement intégré aux affaires d’un film bancal, remake très lointain de celui du même nom de Herk Harvey et qui a gagné son petit culte depuis 1962.
Son petit culte, le Carnival of Souls de 1998 est loin de le gagner.
Pour autant, il dispose d’un certain nombre d'intérêts, parmi lesquels une audace, toute relative, d’aborder le traumatisme infantile de son personnage adulte, Alex (Bobbie Philipps), par celui d’abus sexuels causé par le petit ami de sa mère, Louis, un clown à la fois mielleux et inquiétant, joué par Larry Miller.
Le film fait régulièrement des allers-retours entre le passé, et quelques scènes avec Louis, et le présent. Alex est une jeune adulte, elle travaille avec sa sœur, Sandra (Shawnee Smith), dans le bar qui a appartenu à sa mère, tuée par son compagnon. Toutes deux font ce qu’elles peuvent pour joindre les deux bouts, le bâtiment commence à tomber en morceaux, mais elles s’accrochent.
Comme beaucoup de ces films d’horreur des années 1990, calmés après la folie et les critiques des années 1980 et pas encore rattrapés par le renouveau du slasher avec Scream, Carnival of Souls va donc ainsi consolider son cercle de personnages, et minimiser la violence visuelle. Contrairement à d’autres de ses petits camarades qui se vautrent à cet exercice, même si des contre-exemples existent, le film s’en sort bien. Il arrive à proposer un personnage féminin fort mais faillible, déterminée, parfois fragilisée mais qui reste amicale, notamment avec les quelques clients de son bar.
Mais si Alex commence à perdre pied avec la réalité, c’est parce qu’elle commence à voir Louis, notamment dans des scènes en rapport avec des miroirs ou l’eau, une symbolique parfois appuyée qui trouvera son sens à la conclusion. Ce dernier la harcèle de plus en plus, jouant de son autorité supposée, lui évoquant le bon vieux temps. Mais Louis est sensé être mort depuis sa sortie de prison.
Le film se veut ainsi avant tout plus comme un thriller horrifique, avec ce Louis surnaturel ou halluciné, omniprésent dans la vie et les visions d’Alex. Une idée qui a du sens, qui évoque le traumatisme des victimes de violences sexuelles, une idée même avant-gardiste dans un cinéma horrifique pendant longtemps complaisant sur la question.
Quelle drôle d’idée donc que d’inclure une conformiste histoire sentimentale qui s’insère mal dans ce canevas.
Malheureusement, ce qui dessert le plus Carnival of Souls est sa mollesse générale. Il peine à rendre plus criante l’angoisse d’Alex, coincée dans un harcèlement psychologique qui peine à exprimer sa violence et son malaise. Il donne même l’impression de se retenir, de ne pas oser aller au bout de son propos. Les acteurs impliqués sont même un peu plats, peu désireux de s’impliquer. Les prestations de Bobbie Philipps et de Larry Miller restent convenables, et encore, mais autour d’eux c’est le plus souvent sans conviction que des acteurs récitent des dialogues sans convictions.
Le film ne semble pas avoir reçu suffisamment de budget, à l’image des productions Trimark, plus souvent habituées aux sorties pour le marché de la vidéo, même si celui-ci a eu droit à sa sortie sur grands écrans dans quelques salles. En dehors du lieu de résidence et de travail des deux sœurs, au lourd passé, émotionnel et physique, les décors n’ont pas de grande importance. Les quelques scènes dans des fêtes foraines sont le plus souvent piteuses avec ses quelques stands bricolés et son manque de figurants.
De manière générale, et ce n’est plus une surprise à ce stade, ce n’est pas la réalisation d’Adam Grossman qui sauvera quoi que ce soit, la majeure partie des plans manque d’impact. Et le tout semble trop timoré, sans audaces. Certaines scènes entre les comédiens semblent mal jouées, peu répétées, alors que c’est là qu’il fallait sortir les tripes. La seule folie du film sera une courte séquence onirique, virant au cauchemar. Freddy Krueger aurait apprécié, et c’est peut-être là la seule implication de Wes Craven.
Dommage donc qu’avec un tel sujet, parlant à demi-mots de pédophilie et d’abus de confiance, Carnival of Souls soit aussi mou, aussi calme. En d’autres mains plus expertes, avec plus de moyens, qui sait ce que le projet aurait pu donner. S’il se révèle monocorde et parfois longuet dans son déroulé, il se termine tout de même sur un rebondissement noir, venant expliquer les scènes précédentes. Pas de quoi sauver le film, mais au moins le visionnage ne se termine pas sur une note encore plus pénible.