Un film honnête sur l'échelle de Ron Howard*

*L'échelle de Ron Howard :

Ron Howard est considéré (injustement ?) comme un artisan pas bien brillant, un yes-man en un peu plus amélioré. Il a quand même un beau paquet de croûtes à son actif.

Mais il y a un domaine où il a peu (ou pas) de concurrents : le survival.

"Apollo 13" était un tour de force qu'on aurait pu croire né du hasard ou d'un très heureux concours de circonstance étant donné la carrière subséquente du bonhomme, mais non. Parce que Ron a resurgi d'entre les morts avec le superbe "treize vies", à la fois simple, ambitieux et viscéral, une grosse claque pour ma part, un putain de vrai film qui traite son sujet jusqu'au bout sans artifice débile.

Bayona n'en est pas encore là, mais on dirait qu'il tend à s'en rapprocher. Lui aussi part de très loin avec une carrière assez immonde jusqu'à présent. Je ne sais pas trop ce qui tient la palme du pire entre le pire "Jurassic Park", les portes qui grincent en boucle de "l'Orphelinat", mais c'est ptêtre bien "The Impossible" qui dépasse tout entendement avec entre autres horreurs son concert de musique larmoyante abominable (alternance constante de piano minimaliste et de violons pompiers).

Il a (un peu) calmé le jeu, et on sent qu'il souhaite se recentrer sur un récit simple, un survival plus modeste et carré. Mais il ne peut toujours pas s'empêcher de prendre son spectateur pour un demi-abruti, c'est plus fort que lui, il faut toujours ces petites phases de musiques minimalistes pour souligner l'alternance entre les séquences tendues, les séquences lol et les séquences émotion. Pour Bayona et consorts, le spectateur ne peut pas piger sans l'aide de la musique ce qui doit se ressentir. Où comment tuer ton immersion que tu élabores péniblement.

On a le droit de trouver ça absolument insupportable. C'est mon cas.

On se coltine pas mal de poncifs hollywoodiens des films tirés d'une histoire vraie, avec les fameux vrais clichés photographiques livrés dans le générique de fin pour pouvoir bien comparer et se dire "ah ouais ça a été trop bien imité, génial, super boulot les gars, chef d'oeuvre, 20/20 !". 40.000 films l'ont déjà fait et c'est toujours aussi nul. Y a google sinon au pire.

Maintenant le récit est suffisamment sensationnel pour passionner, même si ça reste globalement très soft et gentil avec une légère emphase sur la religion et la foi, mais pour le sujet, et sur l'aspect documentaire, c'était inévitable tant cette histoire d'anthropophagie dans un contexte très pieux a pu susciter de l'émoi (alors qu'en vrai, osef non, même si ça dégoûte, ils ont fait de mal à personne si je ne m'abuse, on n'est pas non plus chez Greenaway ?), je trouve quand même qu'il en fait un peu des caisses avec des monologues métaphysiques du pauvre pas très heureux, un peu lourds, un peu répétitif (en tout cas ça ne donne aucune consistance au récit qui aurait dû se contenter de sa simplicité intrinsèque).

Les acteurs font le taff, avec l'idée de petit malin consistant à essayer de produire de l'attachement pour des persos qui vont caner. La meilleure perf est à mettre au crédit de Nando, qui se révèle comme le véritable héros du film, et toute la seconde partie en mode périple à travers la montagne promettait énormément (et les plans ainsi que le montage en fondus enchaînés sont absolument sublimes et rendent enfin justice à la sensation d'immensité impénétrable), dommage que cette partie ultime paraisse un peu rushée (dix jours de périple qui en font même pas deux).

Ca manque un peu de viscéral à mon goût. N'est pas "Deliverance" qui veut.

Mais ça se mate sans déplaisir. On souhaite bien du courage à l'héritier officiel de Spielby, il va peut-être enfin réussir à enchaîner des bons films !