Un drame humain... à déguster froid

Le Cercle des neiges, réalisé par Juan Antonio Bayona, revient sur le tragique événement du vol Fuerza Aérea Uruguaya 571, survenu en 1972. Cet avion, transportant une équipe de rugby uruguayenne et leurs proches, s’est écrasé dans les Andes. Parmi les 45 passagers, seuls 16 ont survécu après 72 jours de lutte contre le froid, la faim et l'isolement, allant jusqu'à recourir au cannibalisme pour subsister. Inspiré de cette histoire, le film s’efforce de restituer avec réalisme l'ampleur de ce drame humain et éthique, tout en questionnant profondément les spectateurs : que ferions-nous dans une telle situation ?

Une photographie entre contemplation et désolation

Le film impressionne par sa photographie signée Pedro Luque, qui exploite à la perfection les contrastes des Andes. Les plans contemplatifs montrent la beauté glaciale et oppressante des montagnes, alors que d’autres capturent l’horreur intime des survivants. Ce jeu entre immensité et claustrophobie visuelle ancre le spectateur dans une expérience immersive, où le paysage devient à la fois un ennemi implacable et un décor hypnotisant. Cependant, cette esthétique soignée, bien que captivante, peut donner lieu à une certaine répétitivité, affaiblissant parfois l'intensité dramatique.

Un réalisme saisissant grâce au souci du détail

Bayona s’attache à un souci du détail rarement vu dans ce genre de film. Les effets physiques de la sous-nutrition et de l’exposition aux éléments sont représentés avec une justesse troublante. Ce réalisme cru est à la fois une force et une faiblesse : il ancre le film dans une vérité brutale, mais peut également créer une distance émotionnelle chez le spectateur, qui observe parfois ces scènes comme un témoin passif.

Un dilemme éthique au cœur du récit

L’une des forces du film réside dans sa capacité à poser des questions éthiques universelles : jusqu’où irions-nous pour survivre ? Les choix déchirants des survivants, notamment le recours au cannibalisme, sont traités avec une sobriété bienvenue, évitant le sensationnalisme. Plutôt que d’imposer un jugement, le film invite à la réflexion, laissant au spectateur le soin de se confronter à cette réalité inconfortable. Cette retenue narrative me semble tout à fait respectable.

Une narration minimaliste et des personnages effacés

Le Cercle des neiges opte pour une narration épurée, où le silence prédomine. Les dialogues rares traduisent l’isolement des survivants, mais cette économie de mots peut parfois sembler froide. La musique de Michael Giacchino, habituellement plus marquante, reste ici très discrète, ajoutant peu à l’immersion.

Les acteurs, bien qu’efficaces dans leurs performances, peinent à imposer des figures mémorables. Ils incarnent leur rôle avec justesse, mais aucun ne se démarque véritablement, ce qui laisse une impression d’ensemble un peu fade. Ce choix, volontaire ou non, pourrait refléter l’idée que les survivants sont avant tout un groupe uni, mais il empêche d’établir un lien fort avec les personnages.

Un rythme maîtrisé mais une tension en demi-teinte

Malgré la lenteur apparente de certains plans, le film ne souffre d’aucun temps mort. Chaque scène trouve sa place et contribue à maintenir l’intérêt. Cependant, la prévisibilité inhérente au récit historique et l’absence de moments véritablement marquants affaiblissent quelque peu la tension dramatique.

Un film imparfait

Le Cercle des neiges est une œuvre visuellement remarquable et profondément respectueuse de son sujet. Il séduit par son réalisme et son esthétique, mais reste en deçà de son potentiel émotionnel. Le minimalisme narratif et la discrétion des personnages contribuent à créer une distance qui empêche le film de véritablement marquer les esprits. Un film à découvrir pour son approche réaliste et ses questions éthiques, mais qui risque de ne pas laisser une empreinte durable.