Ring made in US fait partie de ses remakes où, pour une fois, le fait de respecter le matériau de base à la lettre en permet une relecture intéressante. En effet, je trouve intéressant que le long-métrage américain ait choisi de repartir de la trame originelle, plutôt que d'en faire une version totalement moderne- ce qui, d'entrée de jeu, aurait été stupide tant la franchise est partie dans tous les sens au cours de son histoire. Histoire qui mérite qu'on s'attarde dessus quelques instants .

L'histoire de la franchise

Ringu est au départ un roman de l'auteur japonais Kôji Suzuki, paru en 1991. Un thriller surnaturel empreint de l'angoisse liée aux nouvelles technologies, avec l'explosion de la VHS ayant déclenché son lot de légendes urbaines, mais également une réflexion sur l'origine de ses récits morbides, à travers une enquête dévoilant un contexte social emplit de vices et de violence (qui a dit "Candyman"?). Le succès du roman aura conduit à pas moins de trois suites et plusieurs adaptations, au cinéma et pour la télévision, dont celle qui servira de modèle au film de Gore Verbinski. Le long-métrage d'Hideo Nakata, paru en 1998, est une oeuvre désormais culte du cinéma horrifique, et son succès à l'international est ironiquement du à son exploitation en VHS. Pourtant, fait intéressant: le film s'avère éloignée par bien des aspects au roman de base, notamment par la transformation de son protagoniste, passant d'un inspecteur de sexe masculin devant sauver sa nièce, à une femme journaliste et mère de famille divorcée tentant aussi bien de renouer des liens avec son jeune fils que de le libérer de la malédiction qui pèse sur sa vie. Contre toute attente, le cinéaste nippon choisit de faire de son film une réflexion sur l'aliénation de la société dans laquelle il évolue, de même que la tragédie d'une famille dissolue, là où le roman ne mettait en scène qu'une amitié masculine entre deux héros à la personnalité ambiguë. Véritable monument de maitrise, Ringu instille un sentiment d'inéluctabilité par une mise en scène clinique et millimétrée.

Le remake

Nul doute que c'est ce qui a marqué Verbinski au point d'en faire un remake que d'aucun pourrait qualifier d'assez mauvaise fois de "copie carbone". Je ne partage pas cet avis, et vais tenté de vous donner mon analyse. Selon moi, la différence majeur qui réside entre l'original et le film de 2002 ne tient pour ainsi dire pas dans sa réflexion sur la technologie, ni dans son étude sociale, mais bel et bien dans l'exploration d'un thème propre au cinéma de Verbinski: l'Enfance. Car le sujet de The Ring est bel et bien le parallèle entre Samara (équivalente occidentale de Sadako) et Aidan, le fils de l'héroïne. En effet, le lien à l'enfance était déjà présent dans la version japonaise afin d'explorer la figure maternelle, mais il devient le véritable moteur de l'intrigue du film de 2002. Par ses choix de cadres, de montage, d'écriture et d'acteurs, le réalisateur américain procède en fait à une relecture de l'œuvre initiale sous l'angle de ses propres obsessions. Cela est notamment repérable par le choix de l'actrice Daveigh Chase pour incarner le fantôme Samara. En effet, son visage frêle et quasi maladif confère à la fillette l'aspect d'une figure de cire, voire d'une poupée de porcelaine sous sa forme humaine. Aspect de fragilité contrastant immédiatement avec sa forme "monstrueuse". Le but est clairement de remettre la victime au premier plan, de nous faire éprouver de la compassion pour ce type de personnage qui sert d'ordinaire de faire-valoir au personnage d'adulte qui, en temps doivent être le centre de l'attention sur lequel se focalisera le spectateur. En cela, le film se distingue intelligemment de son ainé: en prétendant en livrer une version "plan par plan", le remake US multiplie les choix pas si anodin pour nous faire prendre son "monstre" en empathie. L'intention est visible jusque dans le choix de l'affiche, qui place l'enfant au centre de l'image. De même, l'interprétation du jeune Aidan par David Dorfman, acteur à la frimousse angélique, parachève cette note d'intention en propulsant les enfants au devant de la caméra, démontrant par la mise en scène que les deux personnages ne sont pas si éloignés qu'ils ne le paraissent. Exit l'empathie envers les adultes, qui n'occupent plus qu'une fonction narrative similaire à la première version: ce sont les enfants qu'on doit prendre en affection.

Pour cette raison, j'affirme que le remake de Gore Verbinski est loin d'être une pâle copie "inutile" au chef d'oeuvre d'Hideo Nakata, amis bel et bien un repositionnement autour d'une même histoire.

Aegus
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes L'enfance au cinéma et Les meilleurs remakes

Créée

le 29 août 2024

Critique lue 25 fois

3 j'aime

Aegus

Écrit par

Critique lue 25 fois

3

D'autres avis sur Le Cercle : The Ring

Le Cercle : The Ring
Ezhaac
7

Critique de Le Cercle : The Ring par Ezhaac

Un peu moins brain-fuck que l'original Japonais, The Ring réussit là où Ring avait échoué en proposant une histoire flippante, une ambiance oppressante à souhait, mais en y ajoutant une bonne...

le 28 juin 2010

11 j'aime

Le Cercle : The Ring
FloBerne
4

Etait-ce utile?

"Ring", long-métrage culte réalisé en 1997 par Hideo Nakata, a connu deux suites et trois remakes. Il a réalisé trois films sur six, dont la première suite du premier volet et la seconde...

le 18 juin 2015

8 j'aime

Le Cercle : The Ring
HITMAN
7

C'était, il y a sept jours.

Il existe une cassette vidéo, si vous la regardez, vous mourrez sept jours plus tard ! Car votre téléphone sonne et une voix surgie du néant vous informe que vous n'avez plus que sept jours à...

le 7 nov. 2018

8 j'aime

Du même critique

GoldenEye
Aegus
8

Pour l'Angleterre, James?

Quiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde, dans le combat, à ne pas devenir monstre lui-même. Et quant à celui qui scrute le fond de l'abysse, l'abysse le scrute à son tour. ...

le 6 déc. 2023

17 j'aime

3

Qui veut la peau de Roger Rabbit
Aegus
9

Le coup du piano

Roger Rabbit est un film fondé presque exclusivement sur le paradoxe: paradoxe entre le cinéma de l'Enfance et celui dit "sérieux". Cinéma de la modernité versus cinéma classique. Animation versus...

le 4 juin 2024

16 j'aime

10

Astérix et les Normands - Astérix, tome 9
Aegus
9

La crème de la crème

Une franche tranche de rigolade, cet album. L'un de ceux qu'on relit avec plaisir, peu importe l'âge! Goscinny parvient à parodier le "mythe du viking" à merveille, de même qu'à agrémenter le récit...

le 3 oct. 2023

15 j'aime

21