Ce documentaire-fleuve (il fait plus de 4 heures) tient à montrer que la France ne fut pas aussi résistante qu'on le pensait durant l'Occupation, et que les Pétainistes étaient plus nombreux qu'on le croit.
A l'aide d'interviews d'habitants de Clermont-Ferrand ayant vécu la Seconde Guerre Mondiale, et de personnalités anglaises, françaises et allemandes ayant joué un rôle important dans la libération (dont Pierre Mendès-France), Marcel Ophuls revient sur ce climat délétère qui régnait, où la peur de partir de partir au combat se mélangeait à la crainte que son voisin nous dénonce pour partir dans des camps.
Les personnes interrogées sont très intéressantes, car ils sont filmées seulement 25 ans après la fin du conflit, donc les souvenirs restent très vifs, et, il est notable de souligner que la plupart de ces gens sont assez âgés, (plus de 50 ans) comme si la jeunesse voulait enfouir le souvenir de ces combats.
Les archives proposées et assez nombreuses (il y en a en tout plus de 45 minutes) sont surtout édifiantes , la plupart concernent la vie dans la France Occupée, où tout a l'air de bien aller, et où l'ennemi désigné est le bolchevisme. On voit aussi dans ces archives la manipulation des masses et l'admiration que suscitait le maréchal Pétain à chacune de ses apparitions.
Si la guerre en elle-même est peu évoquée, mais on a un passage sur le rafle du Vel d'Hiv qui fait froid dans le dos et horrifie sur ce représente 7000 enfants pour un homme d'État (Pierre Laval décidera de tous les envoyer dans des camps de concentration, et aucun n'en reviendra, victimes des chambres à gaz), avec une anecdote sur un certain Mr Klein qui deviendra un film éponyme de Joseph Losey des années plus tard.
Le film se suit très facilement, sans aucune musique et aux scènes parfois longues, perturbé parfois par les interventions de Marcel Ophuls qui, si il peut provoquer ses intervenants, a parfois une allure dandy un peu irritante (il prend parfois la pose en discutant, fume quand quelqu'un parle), mais heureusement, il parle peu.
Cette (petite) réserve mise à part, Le chagrin et la pitié est un modèle de documentaire et permet de jeter un voile sur la partie obscure d'une certaine France, plus enclin à être soumis qu'à vouloir résister, ce que certains firent au péril de leurs vies.