Dans les profondeurs, une petite équipe s’active. Confinée dans une coque métallique, elle guette, elle surveille. A défaut de voir, elle entend, grâce à son « oreille d’or », qui scrute les fonds grâce à son ouïe exceptionnelle. Dans un monde occupé par les poissons et autres créatures marines, seul un son est redouté de tous : Le chant du loup.
Les premières images du film à avoir circulé avaient de quoi piquer notre curiosité. Ces clichés nous montrant un équipage dans un sous-marin, baignant dans les lumières des machines, créant une ambiance des plus particulières, étaient source de mystères et on ne peut plus intrigantes. C’est un fait, l’idée de voir un film français de sous-marin était aussi étrange qu’excitante, ce genre de film s’étant fait rare dans le paysage cinématographique français, pour ne pas dire absent. Certaines sorties récentes avaient ravivé un certain enthousiasme quant à une offre plus variée au sein du cinéma français, des propositions différentes, plus osées, au milieu des grosses comédies à succès qui trustent chaque année les cimes du box-office. Et Le Chant du Loup semblait bel et bien se présenter comme un de ces films.
C’est dans un climat de guerre et de tensions que se développe Le Chant du Loup qui, s’il ne se déroule pas intégralement dans un sous-marin, fait de ce dernier un symbole qui condense tous les éléments forts de l’intrigue. Arme ultime et invisible, capable de tirer des charges nucléaires, le sous-marin est comme la guerre : la plupart ne la voit pas et, pourtant, elle peut causer des dégâts immenses sans que personne ne voie le coup venir. Le sous-marin contraint également les équipages au confinement, il les isole du monde, à l’instar des militaires qui partent en mission et vivent dans le secret. Ainsi, dans cette histoire où la guerre est montrée comme une menace invisible, pilotée par un petit groupe d’individus aux responsabilités immenses, le sous-marin est le décor idéal pour matérialiser la guerre elle-même, son orchestration et les menaces qu’elle fait peser sur le monde.
Antonin Baudry, illustre inconnu (ou presque) dans la sphère cinéphile, vient donc faire ses armes avec Le Chant du Loup, un premier essai aux qualités indéniables, qui maintient l’espoir de voir le cinéma français accorder davantage de crédit et de budget à des œuvres ambitieuses et dignes d’intérêt. En s’aventurant sur le sentier déjà emprunté par Sidney Lumet il y a 50 ans dans Point Limite, Le Chant du Loup développe une intrigue à suspense qui vient questionner sur le sort de l’humanité, qui peut être scellé par un petit nombre de personnes, ou un simple détail. Une intrigue qui pâtit, certes, de certaines longueurs, et qui a tendance, par moments, à s’égarer quelque peu, notamment dans les scènes d’extérieur, qui peinent à captiver et à donner de la consistance au film. Car là où Le Chant du Loup montre ses qualités, c’est dans les scènes de sous-marin, immersives (tant au sens propre que figuré), très bien mises en scène, et dans son scénario, qui offre d’intéressantes réflexions sur la guerre et de multiples questionnements. Ajoutons à cela un important travail sur le son, qui occupe une place prépondérante dans le récit, et nous plongeons la tête la première dans cette histoire.
Pour un premier essai, Antonin Baudry n’a pas choisi la facilité, et il faut reconnaître qu’il parvient à bien s’en sortir, non sans l’aide de son casting qui s’avère généralement à la hauteur. Il n’est pas impossible que Le Chant du Loup pouvait nous faire espérer quelque chose d’encore plus fort, mais il s’agit surtout de saluer la démarche, et encourager ce type de cinéma qui manque d’importance au sein du cinéma français.