Quoi de mieux pour lancer une nouvelle année de critique qu’un film de genre ?
Flash info : une critique en 2018 tu parles d’une année de critique …
Oui, je l’avoue, 2018 fut pauvre. Tâchons de faire mieux pour 2019, ce qui ne devrait pas être trop difficile. Film de genre donc et, plus précisément de sous-marins.
C’est totalement inexplicable en quelques mots et tout le monde s’en fout avec raison mais j’adore les films de sous-marins. Je ne les ai pas tous vus, mais quelques uns quand même. Je ne prétends aucunement à une légitimité particulière pour autant mais, quand même, je pense savoir à peu près de quoi je parle. Et comme je suis allé dans quelques bêtes du genre et que j’ai à disposition quelques témoignages, je suis heureux de les mettre en arrière plan de cette virée avec Antonin Baudry.
Par curiosité je me suis amusé à voir quelques critiques ; les positives insistent sur le suspense et le réalisme des séquences, les négatives sur le casting tout pourri et totalement non crédible, sur le scénario idiot (merci Le Nouvel Obs de partager cette science géniale du cinoche). Une critique m’a beaucoup fait sourire, celle du Monde : Kassovitz est tout pourri alors qu’il s’y connait en géopolitique. C’est clair que de tourner dans une série comme « Le bureau des Légendes » semble suffisant pour avoir des bases très solides en géopolitique. On se demande même pourquoi lire Spkyman, Ancel ou Coutau-Begarie : suffit de regarder la série de Canal.
Assurément cette nouvelle plongée n’est pas exempte de défaut et d’ellipses narratives. La trame de fond, une crise majeure entre les Européens et la Russie en passant par la case Moyen-Orient et la Finlande, reste très peu abordée finalement. C’est certainement pour ça que j’ai aimé ce film. Bien entendu le son, les aspects techniques m’ont plu, tout comme le rythme est justement dosé même si certains auraient préféré que ça bouge beaucoup plus (ce qui leur aurait sans doute permis de critiquer le rythme trop haletant et américanisé de l’essai). Nous ne sommes pas dans une mesure du temps à l’américaine ou un USS Alabama ou Red October envoient du bois selon des codes éculés. Baudry est plus dans la « french touch », avec ses lenteurs, ses accélérations, ses glissements. Globalement les acteurs font le job. Omar Sy peut faire autre chose que le guignol et est largement plus crédible ici qu’en X-men. Reda Kateb fait le job, François Civil est tout aussi crédible.
Je n’ai pas envie de spoiler mais j’ai envie de soutenir ce travail. Il ne faut pas s’attendre à des explosions en tous genres ou à des courses poursuites délirantes. Ce Chant du loup est comme un sous-marin qui se love dans les océans ; il glisse, se déploie en silence, jouant difficilement avec l’inertie, les couches d’eau, chassant le bruit à l’écoute des autres. C’est un monde à part et le film le rend très bien. L’oreille d’or est un type à part et le film le rend bien. Le tout technologique c’est bien, la procédure c’est bien, mais le flair, le papier, les dossiers avec des spirales, c’est très bien aussi et même souvent mieux. Le sujet est ici bien traité dans ce sens. La Chant du loup c’est un scenario digne d’un excellent Buck Danny dont je terrai le titre pour ne pas spoiler, plus que d’un Tom Clancy. Ce n’est pas un film de géopolitique mais un film de genre, avec ses codes. C’est un essai français pour faire quelque chose de neuf, sans singer les maîtres du genre. Ce n’est pas Das Boot qui reste le Chef d’œuvre absolu, mais ce n’est pas non plus le naufrage que moquent certains qui n’ont jamais foutu les pieds dans un submersible ou croisé un sous-marinier ou leurs épouses. Un film qui, de source autorisée, rend compte des fragilités du système, pose des questions de fond sans oublier que tout ceci est avant tout histoire d’hommes et de femmes, même si ces dernières sont quasi absentes ce qui est aussi à méditer. Un film de genre en somme de toutes les peurs.