Un des sommets de la dernière période -française- de la carrière de Luis Bunuel. Même au bout de 40 ans le film n'a pas perdu de sa force corrosive. Dénonciation tragi-comique de l'hypocrisie du monde bourgeois, Bunuel met en scène un intelligent ballet entre scènes réalistes au bord de l'absurde et incursions dans le monde du rêve, dont on ne se demande toujours s'il s'agit de la réalité ou pas. Certaines situations restent gravés en mémoire: l'échappée "crapuleuse" de Stéphane Audran et Jean-Pierre Cassel, alors que les invités attendent au salon, la visite de l'évèque (Julien Bertheau) qui demande a être embauché comme jardinier, les derniers sacrements ordonnés par l'évéque à un jardinier qui s'avère être l'assassin des parents du premier, le cocktail chez le colonel (Claude Piéplu), l'arrestation de tout ce petit monde pour trafic de drogue, et la dernière scène impayable...
Comme d'habitude Bunuel égratigne en règle l'église au travers du personnage de l'évèque, incarné avec malice et talent par Julien Bertheau, lui-même soumis aux conventions et à au propre égoïsme de sa caste d'origine, "en assassinant son propre rêve" ... Chaque personnage est très bien écrit, leur psychologie personnelle dénonçant un ou plusieurs travers que Bunuel et Carrière veulent dénoncer: le couple Audran/Cassel, prétentieux et conformiste, reçoivent toujours dans le seul but d'afficher leur "réussite sociale", le couple Seyrig/Frankeur, toujours accompagné de Bulle Ogier, soeur de Delphine Seyrig, sont à eux trois de véritables pique-assiettes mondains, Bulle Ogier, elle, caractèrise l'alcoolique mondaine un peu "blonde" qui n'a pas grand chose à dire d'intéressant et Fernando Rey, l'ambassadeur/trafiquant de drogue, a finalement le personnage le plus détestable, le plus veule et le plus comique, en fanfaronant à qui veut l'entendre que son pays est une démocratie, voir un paradis, alors qu'on y assassine a tour de bras et qu'on y accueil des criminels nazis en fuite qu'il "trouve" raffiné... A travers lui, Bunuel règle ses comptes avec les dictatures sud-américaines voir l'espagne, décrites comme des républiques bananières et corrompues... Le personnage le plus riche ?! Certainement, avec l'évèque...
Au delà de la bourgeoisie, il s'agit surtout d'une farce féroce sur ceux qui détiennent le pouvoir et les institutions dirigeantes (église, politique et armée), à milles lieux des préoccupations du "petit peuple" que tous méprisent au plus haut point...

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