Au premier abord, ce film se présente comme un simple divertissement enfantin. C'est plein de couleurs et de gags plus ou moins loufoques, on retrouve l'esthétique de l'univers de Shrek, les enjeux semblent simples et faciles à résoudre...
Entre en scène : le Loup. Ennemi apparemment invincible au design démarrant dans l'intimidant et atterrissant dans l'inquiétant grâce à une direction artistique et une réalisation impeccables, il est l'un des principaux moteurs du film, son point central de réflexion et surtout, un des meilleurs antagonistes qu'il m'ait été donné de découvrir.
Je ne tarirai jamais d'éloges au sujet de ce personnage tant il m'a marqué.
Au point même qu'il en fasse oublier les autres antagonistes, pourtant eux aussi très bien pensés et proposant eux aussi un second niveau de lecture !
Pour résumer sans trop divulgâcher :
Bouclettes et la famille Ours servent de repère au spectateur, ils sont une famille plus ou moins fonctionnelle aux réactions attendues pour des méchants de film d'animation, ils servent de compas moral en tant que vilains "classiques" et somme toute attachants.Jack Honer est pour sa part un psychopathe sans états d'âmes, incarnation de la cupidité qui avoue de lui-même qu'une seule chose pourra le satisfaire : le pouvoir absolu. Véritable personnification du capitalisme (ou plutôt, du néolibéralisme) aveugle et dévorant, insatiable et amoral, il surprend par sa personnalité sans concession : c'est un méchant, point. Pas de justification, pas de pitié, pas de remords. Un point de vue intéressant et une violente critique des hautes sphères du système économique actuel, à peine dissimulée sous des gags exagérés.Le Loup... mérite un spoiler (et un gros).Se présentant comme un chasseur de prime, le seul que "personne n'a encore réussi à [semer]", il incarne comme on pourrait s'y attendre la Mort. "Pas métaphorique, ni théorique, ni rhétorique, ni poétique, ni tout autre forme détournée : je suis la Mort".
Mais plus encore que cela, il incarne la morale du film, présentée subtilement comme une évidence au spectateur : la vie est précieuse, il faut en prendre soin et la remplir de sentiments qui ont de la valeur, comme l'amour et l'amitié, plutôt que de l'enfler vainement par la recherche de gloire au mépris de tout le reste. Pourquoi ? Parce que quand vient l'heure, la Mort est inévitable. Héros adulé mais profondément seul, ou quidam entouré de ses proches, Elle vient pour tous, mais seuls certains la craindront car leur vie, bien que vécue en grande pompes, les laisse pleins de vide et de regrets.
Ce personnage marque les esprits. Inquiétant (beaucoup plus que l'on ne pourrait s'y attendre dans un Dreamworks), charismatique, crédible dans ses motivations comme dans son exécution, il pousse notre héros(?) à se remettre en question, à affronter ses plus grandes peurs, et à développer sa personnalité. A la manière du Joker pour Batman, le Loup est un excellent antagoniste parce qu'il a été construit par et pour son protagoniste.
Saupoudrez cette fantastique galerie de personnages d'une DA léchée et d'un ambiance sonore et musicale aux petits oignons, et vous obtenez une excellente surprise.
Coloré, intelligent, étonnamment mature et sérieux pour un film d'animation, ce second Chat Potté nous propose une aventure riche en rebondissements et en secondes lectures.
Du grand art.