Hier, les histoires de voyages dans le temps, c'était déjà casse-gueule, parce que les paradoxes, parce que les équations, parce que les contre-paradoxes, parce que les "non-mais-c'est-pas-cohérent-il-peut-pas-changer-ce-truc-là-sans-bouleverser-ce-bidule-ci", parce que les papillons, parce que les "Nom-de-Zeus-Marty-!" et parce que qu'est-ce que ça consomme, une DeLorean, mine de rien.
Aujourd'hui, les histoires de voyages dans le temps, ça reste casse-gueule, parce qu'on en a trop vues, parce qu'on en a trop dites, parce qu'on en a trop racontées et parce que par nature, elles en reviennent toujours un peu au même schéma narratif, et toujours un peu au même twist final aussi.
S'il est loin d'être parfait, I'll Follow You Down a au moins le mérite de proposer une approche différente, qui ne manque ni d'atouts, ni d'attraits : le film de voyage dans le temps sans voyage dans le temps (ou, plus exactement, avec le moins de voyage dans le temps possible, parce qu'au cinéma, on ne peut pas non plus bluffer ad pelliculam eternam).
Bon sang mais c'est bien sûr, il fallait y penser !
L'idée est plutôt audacieuse, et même étonnamment rafraîchissante.
Dès les premières minutes, on croit connaître l'histoire : le père disparaît dans les méandres du continuum spatio-temporel, le fils va tenter de l'y retrouver mais chaque chose qu'il y change va rendre le présent plus désespérant, à un moment quelqu'un va tenter de tuer Hitler et à la fin, le protagoniste va provoquer la catastrophe en s'efforçant de l'empêcher.
Sauf que pas du tout, et c'est tant mieux.
Ici, c'est un peu comme les frites Mc Cain, version Albert Einstein : on en parle beaucoup, du voyage dans le temps, mais on en montre peu (et peut-être déjà trop, du reste). On parle traumatismes, on parle dommages collatéraux, on parle potentialités, on parle dilemmes. On parle famille, on parle couple, on parle deuil, on parle naissance. On veut corriger l'univers sans savoir si, au contraire, on ne risque pas de le foutre à l'envers. On parle de ce qu'on a à y gagner, en essayant de faire abstraction de ce qu'on a à y perdre. On utilise la SF comme prétexte pour jouer la carte du drame familial, mais sans respecter les règles du jeu. ça n'a l'air de rien, mais c'est une fichue bonne idée.
Fichue bonne idée qui ne sera pas au goût de tout le monde, parce que ceux qui viendront au film pour avoir leur shoot-maous de Science-Fiction en seront quitte pour une nuit de sevrage : le film est lent, le film est bavard, le film est introspectif. J'ai bien cru voir un pistolet, à un moment, mais peut-être me suis-je endormi en cours de route, ou bien ai-je zappé par inadvertance.
Tout ça pour dire qu'il n'est pas mauvais, ce I'll Follow You Down. Il n'est même pas mauvais du tout. Mais attendre de lui qu'il torde une énième fois les lois de la Physique, c'est le prendre pour ce qu'il n'est pas, pour ce qu'il n'a pas la prétention d'être. C'est, par voie de conséquence (cause-à-effet, on nage en plein dedans), se condamner à l'ennui et la déception. Les quelques vieux blasés qui y chercheraient quelque chose de novateur s'obligeront à faire preuve d'un peu d'indulgence, à apprécier l'essai pour ce qu'il est : un essai. Intéressant, bien pensé, bien troussé, pas bête pour deux sous, mais qui manque cruellement d'emphase et d'ambition. Voire d'un zeste d'authenticité. La plume du scénariste reste en surface des personnages comme de l'idée centrale, alors qu'il ne manquait qu'un "z" à l'équation pour changer sa belle parabole en un grand mind-fucker.
Du coup, je profite des soirées à la fraîche pour bricoler une machine à voyager dans le temps, histoire de retourner en 2013 filer quelques conseils avisés au réalisateur.
ça ne vous dérange pas, j'espère, si ça vous efface dans la foulée ?