Un petit délice sensuel et malicieux que j'ai découvert à 20 ans. Le temps a passé, mais je suis ravie de constater que le plaisir reste intact et que le film est aussi beau que dans mes souvenirs.
Le film est un régal de chaque instant pour les sens. Un régal pour les yeux, grâce à ses splendides décors naturels - le film a été tourné en Slovénie et en Italie - et surtout, grâce à ses fabuleux costumes. Et une fois n'est pas coutume, ce sont les costumes masculins qui sont à l'honneur, ce qui est logique puisque l'héroïne se travestit en homme. Bolognini s'est visiblement délecté à faire créer les uniformes militaires en noir et rouge tomate et surtout, l'incroyable garde-robe colorée de Tomás Milián. C'est aussi un régal visuel grâce à la beauté physique frappante des trois interprètes principaux, Milián en tête. Rarement un triangle amoureux n'a eu des sommets aussi somptueux. Catherine Spaak est peut-être trop belle pour être crédible en garçon, encore moins en troufion, mais ça n'empêche pas de ressentir le trouble des personnages masculins et d'apprécier l'ambiguïté des situations.
C'est aussi un régal pour les oreilles, grâce aux dialogues malicieux et à la musique de Franco Mannino (qui contient un extrait de "Au Clair de la Lune").
Le masculin est vraiment à l'honneur dans ce film. Madeleine de Maupin a beau être le personnage principal, ce sont les deux personnages masculins qui sont mis en avant. A travers les situations ambiguës dues au travestissement de l'héroïne, c'est plus sur le trouble qu'elles provoquent chez les deux hommes que le film s'attarde. En effet, Madeleine/Théodore s'amuse du trouble qu'elle provoque chez Alcibiade (Hossein), tandis que D'Albert (Milián) est le sommet du triangle, témoin amoureux et cynique des quiproquos et de ce jeu des apparences. De la même façon, Catherine Spaak a beau avoir le rôle-titre, sa beauté lisse et son jeu peu expressif permettent à Robert Hossein, officier bourru et explosif, et à Tomás Milián, chevalier spirituel et espiègle, de lui voler la vedette.
Par son humour piquant, le charme de ses interprètes et sa beauté visuelle, ce film me fait irrésistiblement penser à "Valmont". D'ailleurs, Tomás Milián aurait été un superbe Valmont, l'acteur idéal pour le rôle, à mon avis. Mais je m'égare.