Le Molosse rôde

J'adore les films fantastiques britanniques des années 40 à 70. Ceux de la Hammer en particulier. Et parmi ceux-ci, je crois bien que ce Chien des Baskerville est mon préféré. C'est, à mes yeux, le sommet de la collaboration entre Terence Fisher (à la réalisation), Peter Cushing et l'immense Chistopher Lee (pour qui j'ai une véritable vénération).
D'abord, j'adore l'ambiance du film. Une ambiance sombre, mystérieuse, glauque, très gothique. Il y a la lande qui s'étend à perte de vue, avec ses marécages, sa brume. La propriété des Baskerville, manoir ancestral aux innombrables secrets. Les ruines de l'abbaye. Les légendes et les créatures infernales... La réalisation, par son rythme, ses cadrages, et surtout son utilisation extraordinaire du Technicolor avec un jeu inégalé sur les couleurs et les ombres, tout contribue à rendre parfaitement plausible ce récit de malédiction familiale.
En plus de ce remarquable travail de réalisation, il faut noter la grande qualité de l'interprétation. Peter Cushing, pourtant très éloigné du Sherlock Holmes romanesque, est très bon ; son personnage est beaucoup plus "fréquentable" que celui que l'on trouve chez Conan Doyle, plus lisse pourrait-on dire. Ici, pas question de parler de drogue, ce qui aurait pu poser des problèmes moraux aux institutions de censure (le Code Hays existait encore officiellement aux USA et n'aurait pas permis l'exploitation d'un film dont le personnage principal est un drogué). Et puis, le film ne perd pas de temps à présenter Holmes, tout ce qui est strictement inutile est éliminé : pas de Holmes violoniste ni chimiste amateur, ça n'aurait aucun intérêt dans l'action. On se concentre sur le détective et sa méthode.
André Morell, qui tient le rôle de Watson (et qui enchaînera avec un rôle dans Ben Hur), est idéal dans ce personnage (tel que je me le représente du moins) : élégant, sympathique, un peu mondain, effacé juste ce qu'il faut pour laisser le rôle prépondérant à Holmes et à sir Henry Baskerville.
Un sir Henry littéralement transcendé par l'interprétation incandescente de Chistopher Lee. Il est tout simplement génial (comme toujours) ! Sa présence irradie sur l'écran, on ne voit que lui. Une scène illustre à merveille à la fois son charisme, son talent et la qualité de la mise en scène : au début du film, lorsque sir Henry, qui revient d'Afrique, est attaqué par une tarentule (épisode qui, si je ne me trompe pas, est une invention du film : je ne m'en rappelle pas dans le roman, mais n'hésitez pas à me le dire si ma mémoire défaille). Cette scène est un chef d’œuvre de tension dramatique et de suspense.

Sur le plan du scénario, une grande attention a été portée aux détails. Chaque élément, même les plus petits, trouve sa place dans l'ensemble. Et ce qui, au début, apparaît comme un détail inutile a finalement une explication importante. Le roman n'est pas toujours respecté mais on peut quand même dire que l'adaptation est parmi les plus fidèles. Quelques épisodes ont été ajoutés ou enlevés, mais l'ensemble reproduit à la perfection l'univers de Conan Doyle.
Cependant, Le Chien des Baskerville n'est pas seulement une des meilleurs aventures cinématographiques (la meilleure pour moi) de Sherlock Holmes. C'est avant tout un très grand film policier, constamment à la limite du surnaturel et doté d'un suspense imparable.