Le Chien jaune de Mongolie, ou l'histoire d'une famille de bergers mongols dont les 5 membres seront les uniques personnages — si l’on excepte ovidés, bovidés, et canidés. En situant très nettement à mi-chemin entre le fictionnel et le documentaire, cette sorte d'ethnofiction immersive adopte le point de vue de l'aînée, Nansa, du haut de ses 6 ou 7 ans, alors qu'elle retourne en haute montagne auprès de sa famille après avoir passé l'année à l'école, en ville. Ces 90 minutes sont ainsi essentiellement focalisées sur un mode de vie nomade, l’occasion d‘effectuer un petit tour dans la Mongolie du Nord rythmé par la vie autour d'une yourte, par les gestes techniques quotidiens des deux adultes et par les pérégrinations quelque peu aléatoires des trois enfants. L'irruption d'un chien errant trouvé au fond d'une grotte amorcera un récit d'apprentissage tout en douceur, dans un univers et selon des codes très peu usuels, mais d'une simplicité et d'une tendresse infinies.
Sans en faire trop dans le registre de l'immersion à tout prix, la réalisatrice germano-mongole Byambasuren Davaa est parvenue à trouver un point d'équilibre délicat pour transmettre les bribes d'une culture largement inconnue sans pour autant verser dans l'exercice de style aride ou exotique. Au centre de l'histoire, il y a un conte traditionnel mongol qui donne son nom au film : la cave du chien jaune. Ce conte nous sera rapporté par une vieille bergère, en même temps qu'à Nansa lors d’une de ses expéditions hasardeuses, une nuit d'orages : le maître d'un chien, dont la fille était gravement malade, consulte un guérisseur qui le somme de sacrifier l'animal pour que sa fille guérisse. Le père décide plutôt d'enfermer le chien dans une cave éloignée, en secret, et lui apporte de la nourriture pendant longtemps, jusqu'au jour où il disparaît. La fille, alors, guérit. Vraisemblablement, avec ses aboiements, le chien empêchait la fille de retrouver son amoureux.
Le film baigne dans ce tissu dense mais léger de croyances et de légendes, au sein duquel la réincarnation occupe une place centrale sans pour autant s’imposer lourdement. Les paysages naturels magnifiques défilent, montagneux, rocailleux, semblables à ceux dans lesquels évoluait le protagoniste de Tharlo, le berger tibétain. Cette composante ésotérique de prime abord se trouve sans cesse contrebalancée par un pragmatisme de tous les instants, entre la traite des yacks, la préparation du lait pour les enfants, la fabrication du fromage, la confection d'un deel (costume traditionnel mongol), le pâturage, l'entretien de la yourte, l’équarrissage, ou encore les allers-retours à la ville. L’isolement sur ce plateau mongol est total, à l’exception de quelques échos de la ville qui appellent les citoyens à aller voter. Le quotidien de cette famille est dépeint avec une authenticité qui n'a pas besoin d'être revendiquée, et chaque membre de la famille, interprété par des acteurs non-professionnels dans leur propre rôle, existe pleinement. Puis viendra le temps pour cette famille de faire ses bagages, de démonter la yourte, de réunir les troupeaux, et de partir en direction de la prochaine destination.
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