Le Chocolat est une fable qui regorge d'une naïveté souvent niaise, de raccourcis éhontés et d'une mièvrerie à l'eau de rose. On est en effet transposés dans une campagne française totalement fantasmée par une équipe anglaise et urbaine (imaginez des londoniens qui adorent s'imaginer le passé de la France romantique de leurs vacances). Oui mais. Oui mais c'est justement ce qui fait la force du film : le film utilise et transcende ces clichés superficiels pour conter une histoire enchanteresse qui n'a, en fin de compte, que très peu de précédents dans le cinéma. C'est-à-dire que le film se complaît dans des archétypes / prototypes pour éviter l'écueil, omniprésent dans la cinématographie moderne, du stéréotype. C'est ce qui fait toute la force et l'intelligence de ce chef-d'œuvre inégalable.
La morale de l'histoire moque l'esprit de clocher d'un petit village bigot sous la coupe de son bourgmestre qui va être confronté à l'arrivée de vagabonds : d'abord l'héroïne et sa fille qui ouvre une chocolaterie et ensuite des gens du voyage domicilié sur une péniche. Même si quelques personnes fraternisent avec les nouveaux arrivants, le chocolat et la bonne humeur aidant, le reste du village commence à boycotter ces marginaux et pécheurs de surcroît puisque dans ce monde fantasmé, le chocolat est toujours considéré comme pas très catholique. La chocolatière (Juliette Binoche) et le tsigane (Johnny Depp) vont alors mettre toute leur énergie en œuvre pour s'intégrer au village, mais le conservatisme a la vie dure.
La portée du message du film se trouve aussi renforcée par sa forme. De nombreux thèmes sont abordés dans l'histoire, comme le conflit sédentaire/nomade, le fanatisme opportuniste de quelques religieux pratiquants, les malentendus intergénérationnels, l'alcool et les femmes battues. Mais la bien-pensance moralisatrice est savemment évitée puisque le film ne se prend, dans sa forme, pas au sérieux. Le fond, lui, est de fait universel et proche de problématiques bien réelles (la place des roms dans la société, la question de la laïcité...) et laisse le spectateur en tirer ses propres conclusions.
Enfin, ne pas oublier l'inévitable histoire d'amour toute mimi entre Binoche et Depp, qui en fera craquer quelques-uns. Les autres protagonistes de cette ballade champêtre, dont certains avec des physiques bien choisis, sont tous meilleurs les uns que les autres. Il y a tout de même quelques mauvaises notes, comme la musique répétitive, mais ce qui vous fera soit adorer soit détester ce film est votre tolérance quant à sa niaiserie assumée... et sucrée.