Luc Besson, c’est un nom qui est devenu synonyme de blockbusters d’action abrutissants, déclinaisons à l’infini d’une même formule qu’a très bien résumé Mozinor dans l’une de ses vidéos. Un nom qui, certes, fait marcher l’industrie du cinéma français, mais au service de réalisations et surtout de productions qui font honte aux cinéphiles de la nation.
Aussi, quand est apparu l’autre jour le premier trailer pour l’adaptation de Valerian, je me suis senti sale. Parce que ça m’avait l’air plutôt cool ; illusion du montage peut-être, qui ne laisse rien voir de l’intrigue, et met en avant la qualité du design des décors et des créatures ?
Toujours est-il que ça a semé le doute dans mon esprit ; je voyais certains rappeler la réussite qu’était selon eux Le cinquième élément… et ça m’a poussé à vérifier ce que ça valait.
J’ai vu le film il y a très longtemps, quand j’étais enfant, mais à cette époque on a moins l’esprit critique.
Il y a bien d’autres films de Besson qui sont appréciés, qu’on cite pour dire qu’à une époque, il faisait du bon cinéma… parmi lesquels Léon, mais celui-là, bien que divertissant, ne m’avait pas paru si éloigné des conneries que pond le cinéaste aujourd’hui.
Alors est-ce que Le cinquième élément allait être différent ? Je craignais que la réponse soit négative, mais je me suis quand même lancé.
Dès la première séquence, le film m’a exaspéré. Et je savais que ça allait être ainsi tout du long.
Il n’y a aucune subtilité dans la façon de faire comprendre les tournants de l’intrigue et les intentions des personnages. Leur caractérisation est complètement grossière, à des fins comiques lourdingues.
La bêtise des personnages sert à justifier des facilités du scénario (bah oui, ça doit être le type qu'on recherche : c'est son nom sur la porte, allez on l'embarque).
Comme si ça ne suffisait pas, les acteurs cabotinent à des degrés différents, certains étant insupportables même s’ils n’apparaissent que 2 minutes, comme le junkie du début.
Besson nous livre les mêmes ressorts comiques débiles que dans un Taxi : le héros, d’ailleurs chauffeur de taxi, se fait poursuivre par des flics incapables et bedonnants après leur avoir fait renverser leur Coca parce qu’il allait à toute vitesse.
La lourdeur se retrouve partout, jusque dans les effets spéciaux ; des héros se font tuer par une explosion gigantesque arrivant sur eux, mais ça ne suffisait pas, rajoutons une tête de mort au milieu des flammes.
Rien à faire de la cohérence. Ou du bon goût, d’ailleurs.
Pour sauver l’humanité, il y a besoin d’un cinquième élément, un "guerrier ultime" (sic), que Besson fait jouer par l’ex-mannequin Milla Jovovich, qui passe une bonne partie du film à moitié dénudée, et est capable de briser une matière supposément incassable en un coup de poing. On y croit.
La logique voudrait que cette guerrière ultime sache se débrouiller seule, mais on lui donne des airs de demoiselle en détresse vulnérable et innocente, arborant un sourire niais qui, allié à son langage incompréhensible qui ressemble aux babillages d’un bébé, lui donne un air complètement neuneu.
Mais le public est censé se prendre d’affection pour elle, alors mettons un peu de musique douce pour attendrir, ça aide aussi à faire passer cette "romance" avec le héros. Alors que, étant donné la barrière de la langue, si la fille n’était pas un canon qui lui fait les yeux doux, il n’y aurait pas eu d’histoire.
Besson ne réfléchit même pas à l’importance du choix des cadrages. Cette scène en Egypte au début où un humain tend une arme à feu vers les aliens, se compose de champs et contrechamps sur les opposants, vus en plans rapprochés poitrine ; un choix évident, qui met les ennemis sur un pied d’égalité et maintient la tension par ce resserrement du cadre sur les protagonistes. Et puis à plusieurs moments intervient un plan large, trop éloigné des personnages, qui désamorce complètement la tension, en plus de déstabiliser par ce changement d’échelle étrange.
Ca me laisse à penser que le réalisateur a dû tourner des scènes comme on le ferait pour un téléfilm : en couvrant de 2-3 caméras, un plan large et des plans serrés, pour ensuite décider de leur agencement au montage.
Le boss d’Europacorp a du fric, il lui manque le talent. Le cinquième élément ressemble alors à une série B de luxe, où les designs sont élaborés et sûrement coûteux, mais de mauvais goût.
Ces gentils aliens aux armures imposantes en plastique, non seulement leurs costumes clinquants sont laids, mais en plus ils ne sont pas fonctionnels ; tu sens qu’en-dessous il y a un acteur qui galère à bouger dans l’inconfort de sa tenue. C’est censé être tragique, mais c’est presque comique, ce passage où l’un d’eux meurt coincé entre deux murs coulissants, parce qu’il avait trop de mal à avancer.
Les vaisseaux spatiaux de ces mêmes aliens ressemblent à d’immondes boursouflures de métal, le genre de bidule alambiqué et foutraque qui peut passer dans une BD, mais là dans un film il est impossible de concevoir que ce fatras soit fonctionnel.
Il manque au Cinquième élément une réelle identité, une vision d’ensemble qui rendrait le film harmonieux.
Alors certes, les collaborateurs de Luc Besson peuvent apporter de bons éléments, mais c’est probablement dû à leur seul talent.
La musique d’Eric Serra par exemple est superbe. Quelques costumes de Gaultier sont corrects, même si la moitié des looks des personnages sont risibles. Et les CGI ne sont pas trop mauvais, même s’ils ont très mal vieilli pour certains.
J’adore l’idée que la surpopulation dans le futur nécessite que les immeubles soient immenses, et les rues parcourues de voitures volantes… mais ça n’est pas nouveau (Blade runner ?). Ca aussi c’est une spécialité de Besson, aller piocher dans les films des autres ; l’un des designs de vaisseau est carrément un plagiat du Destroyer de Star wars.
Le cinquième élément est un film affectionné par les nostalgiques qui ont grandi dans les années 90, et je comprends très bien qu'on puisse aimer parce que ça faisait marrer quand on était gamin (pour avoir revu des scènes en VF, le doublage est effectivement marrant), mais je ne vois pas comment ce truc serait défendable autrement. C’est du pur Besson, dans tout ce que ça sous-entend de négatif.
Au moins je suis maintenant résolu à ne plus jamais rien voir de lui.