Durant 1h39, le spectateur suit les péripéties de Jafaar (superbement interprété par Sasson Gabai), un pêcheur palestinien de Gaza. Les restrictions imposées par Israël concernant la pêche l’astreignent depuis des années à la misère. Mais au lendemain d’une tempête, Jafaar remonte par hasard dans ses filets un cochon vietnamien, tombé d’un cargo. D’abord bien résolu à se débarrasser de cet animal impur, il décide néanmoins d’essayer de le vendre afin d’améliorer son existence. Sauf que personne n’en veut. Jafaar se lance donc dans un commerce aussi rocambolesque qu’illégal avec Yelena (Myriam Tekaïa) une colon russo-israélienne. Cette dernière, n’ayant plus de mâle dans son élevage de cochons, demande à Jaafar de lui apporter la semence du sien.
J’ai beaucoup apprécié Le Cochon de Gaza, qui désacralise via l’humour une situation conflictuelle. Les situations burlesques distillent tour à tour un message de paix et d’espoir. Les deux peuples sont plus proches qu’ils ne le croient. Le cochon est d’ailleurs l’allégorie de leurs points communs : il est aussi impur pour les musulmans que pour les juifs. Pour preuve, cette scène cocasse
où Yelena et Jafaar lui mettent des chaussettes, afin qu’il ne foule ni le sol d’Israël, ni celui de la Palestine.
En outre, les deux peuples doivent subir cette éternelle guerre fratricide. Si la colonie de Yelena doit prochainement se faire démanteler, Jafaar et sa femme doivent quant à eux subir la présence continue et gênante de militaires israéliens sur leur toit (leur maison étant située en zone sensible). Militaires qui d’ailleurs n’hésitent pas à s’immiscer dans le foyer du couple. L’un d’entre eux suit quotidiennement avec la femme de Jafaar, Fatima, un feuilleton télévisé romantique. L’occasion pour les deux d’échanger leurs sentiments, aussi bien l’espoir que la colère, concernant la situation qu’ils sont en train de vivre. Le militaire Israëlien, très critique, livre une des scènes les plus poignantes du film.
Lors du départ de Fatima, il lui fait part de ses espoirs : ceux de voir le couple du feuilleton mettre fin à leurs disputes incessantes et se réconcilier définitivement.
Un parallélisme prononcé avec la réalité.
Ce message de paix est d’ailleurs relayé en apothéose dans la scène finale du film :
Jafaar et sa femme, accompagnés de Yelena et du petit garçon juif, rejoignent des Palestiniens et des Israéliens dansant ensemble.
Une scène légère (tendancieusement naïve) qui illustre toujours l’espoir de cohabitation.
Le Cochon de Gaza possède également un côté didactique assez puissant, puisque en arrière plan du comique, on retrouve (tout de même, il ne faut pas l'oublier) le conflit Israélo-Palestinien. Ainsi au cours du visionnage, on apprend que depuis 2006, Israël interdit aux bateaux, et à ceux des pêcheurs palestiniens notamment, de s’éloigner du rivage, craignant des livraisons d’armes par voie maritime. A noter qu’en août dernier, ces restrictions furent « assouplies » (les guillemets soulignent bien mon ironie): Israël autorise désormais la pêche dans les trois milles nautiques au large des côtes de Gaza.
Bref, Sylvain Estibal n’a pas démérité son César du Meilleur Premier Film.