Le Cœur battant
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Le Cœur battant

Documentaire de Roberto Minervini (2013)

Sara doute. Elle hésite. Elle ne sait que choisir, entre les valeurs chrétiennes dans lesquelles elle baigne depuis sa naissance et la passion naissante qu’elle éprouve pour son voisin Colby. À l’image de sa protagoniste, Roberto Minervini doute. Il hésite. Il ne sait que choisir entre son ambition de plonger au coeur d’une famille singulière et son envie de livrer un drame sur un amour impossible. Tant dans son sujet que dans sa forme, Le Coeur Battant est un film de la dualité, du dilemme.

Cette oscillation perpétuelle entre les deux genres parfaitement inconciliables – c’est en tout cas ce que le film démontre – que sont le documentaire et la fiction n’aboutit qu’à un frustrant entre-deux : parce qu’il pense faire une fiction, Minervini se permet d’être vague et allusif sur l’environnement social unique que s’est créé cette famille ; parce qu’il pense faire un documentaire, il se dispense de fournir le moindre enjeu narratif. Il avoue lui-même n’avoir écrit de scénario que “juste avant le montage”. Difficile, dans de telles conditions, de captiver le spectateur. À trop hésiter entre les deux formats, le résultat est à la fois moins captivant qu’aurait pu l’être un documentaire et moins poignant qu’aurait pu l’être un drame amoureux.

Au très cliché combat entre la raison et la passion qui déchire Sara, s’ajoute la lourdeur symbolique du film. En effet, à chacune de ses apparitions, Colby transpire le sexe : il parle de rodéo, fait du rodéo, ou apprend aux autres à en faire ; rodéo, qui, par l’effort physique et les mouvements du bassin qu’il implique, n’est peut-être pas la métaphore la plus subtile pour symboliser l’abandon aux sens que Colby inspire à Sara.

En outre, il est toujours désolant de voir le Texas aussi mal mis en valeur à l’écran. L’image, qui se voudrait léchée, n’arrive qu’à être terriblement indéchiffrable. Au début du film, une scène de repas illustre particulièrement bien cet échec : on entrevoit ce qu’aimerait atteindre Minervini en filmant à contre-jour – découper les visages par leurs simples contours de lumière – mais il ne parvient qu’à livrer des plans d’une laideur sombre. D’où cette triste impression que le film a des ambitions qu’il ne peut techniquement pas satisfaire.

Comment concilier sa foi et l’impureté de la tentation ? C’est la question à laquelle le film aurait dû répondre. Et pourtant, il ne semble la poser que le temps de quelques scènes de dialogue entre Sara et sa mère. Trop courtes, trop rares, elles constituent néanmoins le seul intérêt du film : la mère y relaie une fascinante interprétation féministe de la place de la femme dans le foyer tel que préconisée par le christianisme. Il y a de la beauté dans sa manière de rassurer sa fille, lui assurant que l’incertitude n’est pas l’ennemie de la foi mais qu’au contraire elle la renforce et l’entretient. Surtout, l’atmosphère grisâtre du plan qui les réunit et l’immobilité de la caméra qui les filme tranchent avec la difformité visuelle auquel le film nous avait habitués ; et la profondeur de leurs échanges contraste avec le vide de ceux qui impliquent Sara et Colby.

En définitive, si l’incertitude mimétique entre le dilemme du réalisateur et celui de son personnage principal peut passer pour du génie dans les premières minutes du film, la singularité formelle de ce Cœur Battant s’efface très vite face à son écrasant amateurisme, tant technique que narratif.
Bensi
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le 23 juin 2014

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