Grands brûlés
Un journaliste rencontre une jeune fille pyromane qui séjourne dans un établissement psychiatrique. il l'aide à s'enfuir. Le film est le plus personnel d'Albicocco, un échec public et critique...
le 25 août 2020
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Jean-Gabriel Albicocco est un total inconnu à mes yeux et si je n'irais pas comme Jean-Pierre Dionnet jusqu'à la comparer avec Dario Argento pour ses éclats formalistes, il est en revanche extrêmement tentant de voir dans le prisme esthétique déformant qui parcourt et même structure tout Le Cœur fou une parenté franco-russe avec l'esthétique constitutive du cinéma d'Alexandre Sokourov. Avec son grand angle, ses filtres colorés, ses déformations optiques produisant des aberrations graphiques intenses, et ses mouvements de caméra sur rail ou sur grue, Albicocco travaille la pellicule jusqu'à atteindre un niveau d'expérimentation assez incroyable à l'échelle du cinéma français du tout début des années 70. Son seul objectif : suivre le couple formé par un reporter-photographe (Michel Auclair) et une résidente d'un hôpital psychiatrique (Ewa Swann) au cours de leur fuite constante jusqu'à l'extrémité du film, dans leur relation amoureuse qui n'en finit pas de longer des manifestations pyrotechniques.
Sans trop forcer, on peut dire que Le Cœur fou ne ressemble à aucun autre film et ne se range dans aucune case prédéfinie. C'est une pépite de cinéma tout ce qu'il y a de plus excessif dans ses partis pris. Une fois passée une vague introduction, montrant un homme en mission photographique auprès de son ex-épouse et actrice fraîchement internée après une grave dépression, tout le film étudiera la trajectoire du duo qui l'associe à cette femme pyromane. Loin des sentiers balisés du road trip sentimental ou du drame romantique, on nage dans une eau extrêmement tumultueuse, bouillonnante et chaotique. La mise en scène arbore une étonnante constance dans la folie de ses effets — on peut être sûr que tout le monde n'appréciera pas — et accompagne le crescendo de démence qui circonscrit l'évolution du couple.
Un cinéma à forte propension maniériste, avec une inclination nette pour les séquences hystériques, agaçant sous certains aspects, dérangeant à de nombreux titres, mais qui fait de son refus du réalisme un puissant carburant pour un romantisme noir et halluciné. Albicocco ne semble pas être un homme de compromis : il se situe plutôt du côté de l'incendie. Peut-être davantage que le formalisme baroque d'Argento, c'est l'excentricité angoissante d'un Zulawski (tendance Possession) qu'évoque Le Cœur fou — avec une petite dose de LSD en plus. Les travellings et les plans-séquences à répétition pourront en lasser certains, il n'empêche que la mise en scène confine à l'abstraction et opère un hold-up fou sur l'intrigue, à grand renfort de fuites dans la forêt, d'échappées oniriques dans les paysages de la Sologne, et de distorsions en tous genres.
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Créée
le 10 mars 2021
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