S'il y a bien un titre qui n'aurait pas été adapté à la critique de ce film, c'est bien "Je suis mon père" (en parodiant avec une finesse sans égale un bout de dialogue culte du cinéma).

En effet, si Sacha Guitry donne de lui pour incarner son père Lucien, on sent tout le respect, tout l'amour et toute l'humilité qu'il éprouve en évoquant ce dernier.

Une citation du film résume le sens même de l'existence de cette version cinéma de la pièce de Guitry : "Hélas, l'acteur ne laisse rien après lui". Donc, il nous donne ici un "biopic" sans doute mythifié de la vie de son père. Il sait que le cinéma peut survivre dans le temps là où les yeux du spectateur de théâtre finissent par se fermer un jour et emportent avec eux la mémoire d'un soir de représentation.

Il nous délivre ici le portrait d'une vocation encouragée et de toute façon implacable. La vie, la scène, c'est la même chose. Les deux existent en miroir (objet très présent dans le film): "mon double, c'est moi-même". On joue, on vit, on compose en permanence et un jour le rideau tombe, on meurt.

C'est aussi une vocation qu'il transmet, et de laquelle naît une complicité. Le fils prend son père dans 7 pièces, le père encourage son fils dans ses créations. Dans une séquence de champ contrechamp un peu cabotine, Guitry père lance sa canne à Guitry fils. Pouvons-nous voir là-dedans comme un passage de témoin d'une génération à l'autre ?

Mais attention, ce n'est pas qu'un simple hommage à l'homme, c'est aussi un film sur ce que c'est que d'être comédien dans les coulisses ou sur scène. C'est un film qui défend celui qui va servir un texte, qui va le travailler longtemps, le remettre cent fois sur l'établi, et le connaître dans ses moindres variations. C'est un travail chirurgical, un traitement presque scientifique (d'où, peut-être, le parallèle avec Pasteur que Sacha fait jouer à son père) pour ensuite l'offrir au public en s'effaçant derrière le texte et non pas pour en tirer un peu de gloriole.

Bref, on peut estimer que ce film rend un portrait hagiographique de son sujet, mais c'est aussi un moyen de faire vivre, dans le futur, la mémoire de son père. Cependant, c'est surtout un grand cri d'amour et d'admiration pour un papa et pour un art.


Sarrus-Jr
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le 9 févr. 2023

Modifiée

le 9 févr. 2023

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